Après avoir battu en retraite face à
l’offensive, l’hiver dernier, du méchant froid sibérien, et établi ses
garnisons dans une ligne de défense sous abris, nos forces avaient résisté sans
fléchir aux attaques des blizzards, aux averses de grêlons, aux bombardements
de neige. A l’arrière, les civils, claquemurés dans des casemates isolées,
n’avaient pas faibli malgré les grelottements, les frissons, les bronchites.
Ils avaient résisté victorieusement à une guerre psychologique impitoyable,
souterraine, menée avec la complicité de collaborateurs dénaturés : temps
maussade, ciel gris sans soleil. La dépression toujours l’affût et prête à
frapper avait été vaincue par les UV à domicile, la vitamine C en pilule, le citron pressé, la Veuve Clicquot, la Tatin, le pot-au-feu.
A l’heure où je vous parle, je reviens d’une mission
top-secrète derrière les lignes ennemies. J’y accompagnais une patrouille de reconnaissance
désarmée, chargée d’évaluer le moral des
troupes de l’hiver. Invisibles grâce à un camouflage caméléon qui nous fondait
dans le paysage, on a pu prendre le pouls de la situation. Elle n’est pas
brillante pour l’adversaire qui sent bien qu’il vit ses dernières semaines de tranquillité
et qu’il ne survivra pas à l’arrivée du beau temps. L’allongement des jours, la
montée du soleil à l’horizon, la timide reprise des pissenlits dans les près
ont provoqué un découragement qui se traduit par un relâchement de la discipline
dans les rangs, la désertion de quelques éléments et le retrait d’une partie de
l’état-major, un signe qui n’est pas passé inaperçu. La moindre poussée de la
température va provoquer une débâcle qui ne sera pas s’en nous rappeler de
tristes souvenirs. Nous avions déjà vécu une semblable catastrophe quand, l’an
passé, à la fin d’un été indien tardif, nous avions été surpris par une
offensive-éclair de l’hiver. Elle avait balayé à la façon d’un blitzkrieg à la
Rommel notre torpeur automnale.
Français, françaises, laissons l’hiver filer ses derniers
jours sans bousculer son destin, épargnons cette triste victime de l’écoulement
des saisons et attendons encore un peu pour chanter notre amour du printemps.
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