Le rédacteur en chef de la revue "L'avenir du futur" rend une nouvelle visite au plus grand savant du monde dans son laboratoire secret de Romorantin-Lanthenay.
- "Bonjour, comment allez-vous?"
- "Bien et vous?"
- "Bien, merci. Je suis venu pour que vous nous expliquiez ce que vous venez de mettre au point et qui va faire faire un grand pas à la sécurité, paraît-il?"
- "Je le crois et je vous explique le pourquoi et le comment. Il y a quelques semaines, ma secrétaire a été victime d'un hold-up en pleine ville. Un voyou l'a agressée, fait tomber, pris son sac, son argent. Elle a eu très peur, très mal et se remet difficilement de cette attaque. J'ai résolu de résoudre ce problème qui prend de l'ampleur et que les autorités ne savent ou ne veulent pas résoudre pour les raisons que vous connaissez. Ma secrétaire, Marie-Thérèse ne pratique aucun sport de combat, n'est pas une ancienne du GIGN et, ce n'est pas à 60 ans, qu'elle va se mettre au karaté et devenir invincible dans le combat rapproché avec un malfrat qui pèse 50 kilos de plus. Même la fuite, la méthode recommandée par les experts lui est impossible en raison de son arthrose des genoux qui lui rend la marche difficile.
Plutôt que de rendre forte la victime, j'ai décidé d'affaiblir l'assaillant au point de le rendre incapable de commettre son projet. C'est le but de toutes les armes d'auto-défense qui ont pour finalité d'incapaciter l'assaillant: choc électrique avec le teaser, projection de poivre, tir de balles en caoutchouc, bruit assourdissant, lumière violente. Le marché est florissant. La théorie est séduisante mais la pratique ne donne pas des résultats à la hauteur de l'investissement car la mise en œuvre exige une maîtrise, un calme, un sang-froid, un courage, de la chance. Ces conditions sont rarement réunies car la victime n'est jamais un légionnaire entraîné au combat rapproché mais plus souvent une retraitée plus habituée à tricoter qu'à esquiver un direct au foie.
Mon produit n'est pas une cape d'invisibilté à laquelle certains travaillent depuis longtemps mais un boîtier bourré d'IA qui a pour fonction de détecter la mauvaise intention, de précéder le passage à l'acte et de dissuader. La première étape a été la plus facile à mettre au point. La reconnaissance faciale permet de contrôler l'identité de façon instantanée avec des capteurs qui alimentent l'IA permettant une analyse psychosomatique qui révèle les pensées et les projets immédiats. L'individu qui en veut à vos biens ou à votre vie a un comportement explicite facile à décrypter. Il envoie des signaux corporels qui annoncent ses intentions aussi clairement qu'une déclaration ex-cathedra. Ses gestes et sa posture se modifient, sa mimique change, la vitesse de déplacement se modifie, il vise sa cible. Le capteur constate le changement de couleur de la peau du visage, la variation de l'allure, l'accélération de la respiration. La synthèse est instantanée et la conclusion arrive avant l'attaque. Ma solution est disruptive et ne suit pas le chemin habituel. Je ne réponds pas à la violence par une violence supérieure qui va donner un KO. La loi, en France, protège l'agresseur et l'auto-défense est encadrée à un point qui rend difficile son usage. Un simple couteau dans votre poche vous créera de ennuis avec la justice qui n'aime pas qu'on la rende soi-même. Je me suis tourné vers les neuro-sciences et leur ai demandé comment je pouvais enlever à l'agresseur en train de fondre sur sa proie son envie, lui faire oublier son projet et passer son chemin en pensant à autre chose. Modifier la conscience de façon subite, orienter la pensée dans une direction opposée, dévier une trajectoire, voila le challenge de mon arme fatale inoffensive. Cela ne s'est jamais fait et c'est pourtant faisable. J'ai d'abord ciblé la partie du cerveau la plus incriminée dans l'acte de violence. Il y en a plusieurs: l'amygdale, l'hypothalamus, le striatum et le cortex préfrontal. Celui-ci a des fonctions motrices et idéiques. La partie la plus antérieure est responsable de la pensée consciente (décision d'attaquer) et la postérieurs permet l'action motrice (l'attaque). Il me fallait supprimer l'idée d'attaquer et paralyser le geste. Le lobe frontal réunit les deux centres. C'est lui ma cible. Facile à situer, il ne me restait plus qu'à trouver le moyen de neutraliser de façon insensible, invisible, inaudible l'activité des neurones responsables de l'émission de pensées agressives et de l'activation des muscles permettant l'attaque. Ils marchent à l'électricité basse tension. Il suffit donc de brouiller cette alimentation par un parasitage pour couper l'émission des messages et stopper le processus. Les ultrasons sont actifs mais entraînent des désordres métaboliques qui se réparent lentement, les infrarouges sont difficiles à émettre et à contrôler, les ondes électromagnétiques sont, elles, parfaites: faciles à produire, à focaliser, se transmettant à quelques mètres sans problème, instantanées, sans séquelles.
Peu encombrant, pas cher, le boîtier alimenté par une pile standard, tient dans la poche. La direction du faisceau est dirigé automatique sur le front de l'individu identifié. Il est arrosé par nos ondes électromagnétiques qui lui font oublier son projet et le statufient. La victime peut s'éloigner sans même s'être rendue compte de ce à quoi elle a échappé".
- "Cela paraît très séduisant, avez-vous déjà pu expérimenter?"
- "Pas encore, j'attends l'occasion, voulez-vous servir de cobaye et simuler une agression, sur moi ?"
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