Orfèvre en la matière, je vous offre les moyens d’embellir
votre vie. Pour vous hisser à votre juste valeur, je mets à votre disposition
des dispositifs hauts de gamme, vous offre des prestations haute définition
dans un environnement hors du commun.
On vous oublie aussi vite que l’on vous entraperçoit, vous
êtes le seul qui vous écoutez et qui êtes content de vous l’entendre dire.
Votre charisme est voisin de celui d’un réverbère éteint. Et pourtant, vous
aimeriez que le monde sache que vous existez, vous rêvez d’être questionné,
interrogé, sollicité, souffrir d’adulation, n’avoir plus une minute à vous, etc., etc.
,Vous si terne, invisible, inaudible, je peux vous
transformer en une Ferrari que l’on contemple, admiratif, envieux.
C’est possible si vous êtes motivé, si votre besoin n’est
pas une lubie et le vague regret de n’être pas plus que vous.
Si vous vous investissez à 300% dans le projet, je peux
transformer votre fond et votre forme . Ma corde d’orfèvre aurait
fait de moi, au Moyen âge, un alchimiste capable de muter le plomb en or.
Ce miracle commence par le plus facile. Je change votre aspect. Aujourd’hui, vous êtes un individu dans la foule, anonyme. Je vous sors du lot commun, vous mets en évidence et fais de vous ce que les autres ne font pas :
Ce miracle commence par le plus facile. Je change votre aspect. Aujourd’hui, vous êtes un individu dans la foule, anonyme. Je vous sors du lot commun, vous mets en évidence et fais de vous ce que les autres ne font pas :
-
Ils sont gris, je vous habille en blanc.
-
Ils sont blancs, je vous couvre de noir. Vous
allez, maintenant, trancher, sortir du flou général et devenir unique,
particulier, original.
-
De près, vous aussi serez différent :
Si vous êtes un homme, vous serez
moustachu, mais votre moustache sera énorme, incongrue, obscène. On ne verra
qu’elle. Elle alimentera la conversation, choquera, énervera sans que vous ayez
un mot à dire.
Si vous êtes une femme, votre
tête sera soit rasée avec un tatouage éphémère effrayant soit encapuchonnée par
une chevelure extravagante. Le maquillage discret révélera une femme portée
autant à l’introspection qu’extravertie.
La vêture sera à l’unisson :
interpellante. Pour l’homme, je préconise le look cavalier, fringant, mais à la
différence d’un vétéran du Cadre Noir, décontractée, avec du liant dans le
jarret.
Pour une femme, je propose: le
look George Sand qui impressionnera les âmes romantiques ou le style martien à
qui veut se projeter dans l’avenir.
Travestir est facile. Transformer
est difficile et il faudra beaucoup apprendre pour changer. Votre base est
solide. Elle sera notre point d’appui, une référence constante. Vous le
savez : il ne suffit pas d’ouvrir les bras pour qu’on vienne vous
embrasser. Le secret est ailleurs, dans le sourire. C’est le début du reste.
Comme un Oui ouvre une porte, le sourire vous rend bienveillant, accueillant.
Attention, ce n’est pas le "cheese" américain, celui qui n’atteint
pas les yeux. C’est un sourire automatique, pavlovien, sans chaleur et
qui fait peur. Le nôtre n’est pas commercial, mais sentimental, émotionnel,
sincère. Il est global, total. Tout le facial (massif) est en action : les yeux
sont écarquillés de bonheur, les lèvres relevées, étonnées avec une concavité
supérieure qui fait monter les commissures aussi haut qu’elles le peuvent, les
zygomatiques sont contractés à la limite de la crampe. Le front est plissée de
joie. De toute votre gestuelle, c’est le sourire qui nous occupera le plus. Il
doit être parfait alors que l’actuel est larvé, constipé, atrophié, limite rictus.
Je vous lâcherai quand il sera spontané, énorme, convaincant. À lui seul, il
vous illuminera.
Vous vous plaignez que personne
ne vienne vers vous. En réalité votre solitude n’est que la conséquence de
votre attitude : elle montre votre manque d’intérêt pour les autres. Ils
vous rendent la pareille. Ils ne vous voient pas parce que vous ne les voyez
pas. Ils le devinent à la façon dont vous mettez les mains dans le dos, dans
les poches, à ne pas les fixer, à paraître pressé, occupé. Je vous apprendrai à
faire le contraire, à agiter les bras, à les prendre à témoin. Ils s’approcheront
fascinés et là vous les ferrerez en posant des questions sur ce qui les
passionne, c’est-à-dire leur petite personne. Le seul sujet qu’ils connaissent
de A à Z. Ils seront intarissables sur ce qu’ils aiment, ce qu’ils veulent, ce
qu’ils font. Le choix est sans limite. Adaptez-le à la situation. Je vous
rendrai capable d’éprouver de la sympathie – ne parlons pas d’empathie, qui
vous rendrait dépendant -. L’effort sera à la mesure de la carence actuelle.
Mon rôle d’orfèvre en la matière
sera de vous suggérer l’attitude à prendre, le propos à tenir. Je ne serai pas
votre meilleur guide,vous l’êtes déjà. Il vous
suffira d’inverser votre réaction. Elle était négative, prenez l’option
positive. Elle vous apporte la solution. Vous devez acquérir
cette capacité critique . Grace à elle, vous
surmonterez ce handicap. Il ne résistera pas à quelques séances musclées qui mettront
à l’épreuve votre échelle de valeurs.
La réhabilitation dure trois
mois, à raison de deux séances hebdomadaires de trois heures. L’une se fait en
interne avec initiation à la psychologie comportementale , simulation en grandeur naturelle et quelques crises de
nerfs, de pleurs, de rires. La deuxième se passe en extérieur avec passage à
l’acte, en condition réelle avec improvisation et mise en application des
connaissances théoriques. Cette confrontation me permet aussi de montrer
l’exemple d’une bonne pratique. Cela encourage l’élève à persévérer pour
atteindre mon degré d’excellence.
Le test final se passe lors d’un
vernissage dans une galerie de Saint Germain des Près. Il réunit des bobos, de faux-intellectuels, des blasés professionnels difficiles à étonner
car revenus de tout et ne s’intéressant à personne. Réussir dans ce milieu
frelaté une percée significative est la preuve que le challenge a été gagné.
Le postulant arrive, habillé et
maquillé de façon étonnante, un sourire fait étinceler tout le visage
disponible. Il doit en 30 minutes chrono focaliser l’attention, devenir le
centre d’intérêt des invités et magnanime s’empresser auprès de l’artiste un instant
délaissé, le féliciter, l’encourager, se faire offrir une toile et repartir,
tel un ouragan, laissant derrière lui une foule extatique, des regrets, des
soupirs, de l’admiration, des interrogations et plein d’invitations.
L’examen de clôture est infaillible.
Dans les rares cas où il n’a pas été concluant, une petite mise au point suffit
à corriger l’erreur et l’épreuve de rattrapage est toujours couronnée de
succès.
Je préconise, dans une deuxième
étape, un retour à la normalité de l’habitus. Il est progressif, la moustache
se raccourcit graduellement, la chevelure perd de sa luxuriance ou se remet à
pousser. Il se fait au fur et à mesure que la confiance prend le dessus et que
la vie cesse d’être jouée. Je ne veux pas que ma clientèle devienne des clones de
Dali, de Mathieu, de BHL ou du Mahatma Gandhi. L’exubérance peut se passer
d’extravagance. Elle doit être contrôlée, intérieure, sans béquille. Il vous
restera à gérer votre succès, votre popularité, à être plébiscité, à devenir le
sauveur de la patrie, le recours universel.
C’est vous qui voyez…
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