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« Où
allez-vous chercher vos idées ? »
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Nulle
part. Ce sont elles qui me trouvent, car une idée ça voyage, tandis que moi, je
suis immobile, rivé à ma chaise, assis devant ma table.
Je
suis comme l’ordinateur. Il n’a pas d’idées. Il n’a, comme moi, qu’une mémoire.
Mais je suis mieux équipé que lui, j’ai des antennes. Je sens, je vois, j’entends
et je capte l’air de l’espace, le vent du temps et ils grouillent d’idées qui y
sont depuis toujours.
Vous
savez, bien que, sur terre, rien ne se crée, tout se recycle indéfiniment et ce
sont les mêmes atomes qui construisent tout ce qui existe depuis le début. Pour
les idées, c’est pareil. Elles ont déjà servi. Il suffit de les attraper, les mettre
en pensée, les taper, les écrire. Elles sont à la disposition de chacun.
Personne n’en a l’exclusivité. C’est pourquoi je ne suis pas sûr de l’ originalité.des
miennes. Il y a cependant un filtre qui les sélectionne. Pour être admise, l’idée doit
être attirée par une attraction intuitive. Elle doit entrer en résonance avec
celles qui sont déjà dans la mémoire. Dans le flot qui tourbillonne autour de
notre tête, seules celles qui concordent avec notre façon de penser peuvent
entrer, s’imprimer et s’exprimer. Je peux vous donner quelques exemples :
Imaginez
un quidam porté à la grivoiserie douteuse. Il ne s’intéressera qu’aux idées
graveleuses et vous régalera, croit-il, d’histoire de salles de garde.
Un philosophe
pénétré des pensées de Kant, Spinoza et Leibnitz ne s’intéressera pas aux idées
sur la culture potagère du cresson de montagne. Il aura même du mal à laisser
passer les idées qu’avaient eues Nietzsche ou Sartre qui, eux-mêmes, les
avaient piquées à je ne sais qui, ni où.
Un
économiste sera surtout fasciné par les chiffres plutôt que par les lettres et
celles de mon moulin ne lui feront pas tourner la tête.
Donc,
au final, pour faire du Marc-Aurèle, de l’Epictète, du Desproges, il suffit
d’avoir le filet adéquat. Le risque est, bien sûr, lié à l’usure des idées
qui se détériorent avec le temps et à la qualité du capteur qui, lui, n’est pas
garanti non plus d’origine. Les idées actuelles doivent être prises avec
circonspection , voire hésitation et soumises à critique. Il n’y a que les bonnes
qui méritent d’être remises en circulation ».
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