Le désordre ne mérite pas l’opprobre dont l’ordre l’accable.
Si le désordre ne se complaisait pas à confirmer par un aimable masochisme la
rumeur ordinale, il pourrait sans même s'en donner la peine remettre l’ordre à
sa place ou l’écraser d’un mépris dont il ne se relèverait pas. Mais, ce serait contredire
une nature qui se plaît dans un foutoir où il est le seul à reconnaître les
siens.
L’ordre est tout sauf innocent et faire le procès de son
contraire dégénère très vite, c’est lui qui se retrouve au banc de l’accusé. On
peut tout lui reprocher. L’ordre établit la dictature et, avec elle, l’intolérance,
la peur, la prison pour presque tous. Il établit des hiérarchies, des
classements, des classes, fixe les normes, les étapes, les objectifs, les
rappelle sans cesse, ne veut pas qu’on s’en éloigne, même pour un entre nous, un
aparté, un cinq à sept, un en-cas, enfin tout ce qui le dérange.
L’ordre, c’est rigide, inflexible. Il veut l’obéissance aveugle, organise l’emploi du temps dans les couvents, dans les casernes, dans tous les lieux où la liberté de penser, de s’amuser, de musarder est interdite. Il rassemble, fait défiler, marcher en cadence, au pas de l’oie, au son du tambour, de l’orgue, au rythme du sergent major.
L’ordre, c’est rigide, inflexible. Il veut l’obéissance aveugle, organise l’emploi du temps dans les couvents, dans les casernes, dans tous les lieux où la liberté de penser, de s’amuser, de musarder est interdite. Il rassemble, fait défiler, marcher en cadence, au pas de l’oie, au son du tambour, de l’orgue, au rythme du sergent major.
L’ordre, c’est silence dans le rang, que pas une tête ne
dépasse, la division du travail : la haute direction au sommet de l’échelle,
les bas- salaires dans les soutes, à la chaîne, à la queue de vaches, l’état
major des armées en dernière ligne, la chair à canon en première.
Ils veulent que l’ordre règne car le temps que l’on perd à
ranger, à exécuter, à prier, à le maintenir est gagné par tous les profiteurs
de l’ordre. Ils le consacrent à s’amuser, à se reposer, à s’empiffrer, à se
goinfrer, à se moquer, à prospérer, à dominer, à se glorifier, à pontifier, à
faire pleurer.
Mais leur haine du désordre vient de plus loin, de plus haut:
ils ont compris, les féaux de l’ordre établi, que le désordre est l’ENNEMI, le
seul qui puisse les empêcher de régner, de dominer. Le désordre, c’est la
pagaille (joyeuse), la fantaisie, la gaieté, le plaisir de chercher, la joie de
trouver, de folâtrer, de s’égarer, de zigzaguer, de se moquer, de s’éclater, de
gamberger. Dans un pays où règne le désordre, l’ordre n’a pas sa place, il ne
peut s’y mettre qu’à la force des baïonnettes, au pas de charge, au son du
clairon.
Le désordre est à l’ordre ce que la paix est à la guerre, le
paradis au purgatoire, la cerise au gâteau, le silence au bruit, le sucré à l’acide.
Le désordre est dans l’ordre des choses puisque c’est du chaos que la vie est
venue.
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