Tout le monde n’a pas un mentor sous le coude, un maître à
disposition, un sage à discrétion et surtout un conseiller en tout. Quelqu’un
qui connaît le numéro gagnant, la bonne réponse à la question, même mauvaise.
Personnellement j’en ai connu deux, disparus avant de m’être utiles et un trop
occupé car beaucoup demandé.
Comme souvent – modeste, je n’ose dire toujours – j’ai le
succédané, la réplique, la rechange. Pas entièrement gratuite, elle impose une
fréquentation à inconvénient. Ses méfaits sont vite réduits car on peut les
tenir à distance avec un peu d’entraînement et se contenter d’imaginer la
position, la décision de l’autre, le contre-exemple.
Vous avez du mal à suivre. Je le sens. Ça vous paraît
obscur, comme d’habitude. Je sais, réfléchir, ce n’est pas votre métier, même
s’il est beau, utile et pas du tout dangereux quand on fait attention. Je vais
ralentir, passer à l’empirique, au pragmatique. Vous allez comprendre.
Le process est simple. Il est à votre portée. Il s’agit
d’opérer une sélection dans votre entourage familial ou amical et repérer la ou
le malchanceux dominant. Le tri est facile. L’engeance est, hélas pour son
malheur, fréquente. Elle court les rues, les maisons, l’usine, la boutique.
Vous en avez croisé au bureau. Faites simplement attention. Ouvrez l’œil,
écoutez, intéressez-vous aux autres, faites-les parler. Ils sont faciles à
reconnaître ces pauvres gens car ils défrayent la chronique. Ils font pitié.
Ils sont à plaindre. Heureusement, dans la plupart des cas, ils sont les
derniers à s’en apercevoir et les avatars qui les accablent sont acceptés avec
philosophie. Ils ne s’en veulent pas. Habitués aux avanies, ils en ont pris
l’habitude et seraient déçus que la chance tourne, qu’elle leur fasse un cadeau.
C’est celui ou celle qui :
-
Achète une maison bouffée par les
termites ;
-
Retire de l’argent à l’heure du hold-up ;
-
Monte dans l’ascenseur le jour de la
panne ;
-
Achète l’action qui va dégringoler ;
-
Se marie à une garce ;
-
Épouse un batteur de femme ;
-
Se fait opérer par un bras cassé ;
-
Choisit un plombier qui pète les plombs, un
électricien à courts-circuits ;
-
Se fait mordre par son chien ;
-
Est pris par une avalanche ;
-
Voyage en Thaïlande la semaine du Tsunami ;
-
S’offre une croisière qui fait naufrage ;
-
A un fils qui se drogue, une fille qui fait la
pute ; à une fuite d’eau qui succède à celle du gaz…
Et ça continuerait si je ne m’arrêtais pas. C’est une
catastrophe ambulante, permanente. Rien ne va, quel que soit l’enjeu. C’est
Sarko, c’est Hollande, c’est le fatum, incurable, irrémédiable.
Vous en choisirez un (deux si vous êtes du genre à prendre
des assurances) et vous lui posez la question qui vous cause du souci. Il (elle)
sera très content(e) que vous lui demandiez. Ils(elles) sont toujours sûrs(es)
d’eux(d'elles), péremptoires, pas du genre à demander, mais à conseiller. Leur
option est tranchée, elle ne prête à aucune confusion. Vous la notez
soigneusement. Remerciez avec empressement et reconnaissance. Il ne vous reste,
tranquille, qu’à décider le contraire.
Il (elle) vous a dit :
-
Achetez ! Vous
vendez.
-
D’aller voir un film, de lire ce livre. Renoncez.
-
Conseiller x, Y. N’y pensez pas.
-
De prendre ce modèle. Prenez l’autre.
-
Le fromage. Prenez
le dessert.
S’il préfère : choisissez :
-
Monaco Luxembourg
-
Le pôle sud le
Nord
-
Le dernier Tarantino le dernier Rodriguez
-
Le Bourgogne le
Bordeaux
-
Le Chinon le
Bourgueil
-
Le Loupiac le
Cadillac…
Méfiez-vous. Ils sont persuasifs, leur conviction peut-être
contagieuse. Soyez fort, stoïque, ne succombez pas. Vous le paieriez comptant
et cher. Leur intention est bonne. Leur sincérité sans une paille, mais ils n’y
peuvent rien c’est congénital, dans leur ADN !
L’idéal, bien sûr, serait qu’il ou elle n’ait pas de réponse.
Vous seriez tranquille. Les deux possibilités seraient bonnes, vg. : il
n’y a pas de raison d’éliminer le Loupiac car il peut être aussi bon que le
Cadillac et j’en ai bu de fameux des deux et à moins cher qu’un vrai Sauternes.
« Mais ça n’arrive jamais ! »
Voilà ce que vous devez savoir si le mentor qui vous guidait
s’en est allé et n’a pas été remplacé.
On dit « merci » au monsieur.
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