Lire un roman c’est comme aller au cinéma, au théâtre,
interroger. Cela suppose une curiosité que certains, nombreux, n’ont pas.
Les uns parce que rien ne les intéresse : ni les autres
ni eux-mêmes. Indifférents à tout, ils regardent, cela suffit. Ils sont
neutres.
D’autres, sont trop occupés d’eux-mêmes pour considérer ceux
qui les côtoient, qu’ils rencontrent. Ils se suffisent aussi, contents de ce qu’ils
sont. On ne sait pas s’ils en valent la peine. Ayant réponse à tout, on ne leur
pose pas de questions.
Pour une troisième catégorie, entrer dans le livre, dans la
pièce, dans le film, dans la conversation, c’est investir un domaine interdit,
pénétrer dans une intimité réservée. C’est une effraction, un viol, une
indignité, un manque d’éducation. De la même façon et pour les mêmes raisons
ils se refusent à critiquer, à interroger, à s’inquiéter, à prendre partie. Ce
serait une violence qu’ils se feraient. Ils ne peuvent faire aux autres ce qu’ils
ne veulent pas pour eux. Poser une question supposerait accepter de répondre.
Répondre exigerait de réfléchir afin d’avoir un avis. C’est un effort qui
oblige à brasser les idées, les pensées, à les formuler, à les exprimer et à
faire semblant d’être concernés. S’intéresser aux autres c’est surtout admettre
que les autres s’intéressent avec la même indécence à ce que vous êtes. C’est
leur ouvrir la porte, votre âme, c’est perdre votre intimité, votre liberté. C’est
devenir transparent, prendre le risque que les autres s’aperçoivent qu’il n’y a
rien à voir.
______
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire