Et si le bonheur ne
tenait qu’à la mémoire et lui était inversement proportionnel… ?
L’évidence était trop éblouissante pour être perçue et vous serez convaincu si
vous prenez la peine de poursuivre.
La démonstration
part de la contemplation d’un poisson rouge dans un bocal. N’importe lequel
fera l’affaire car, pour vous qui êtes observateur, tous les poissons rouges se
ressemblent dès qu’on supprime leurs différences. Les pisciculteurs savent tout
sur le poisson rouge (Carassius auratus). Si vous en
connaissez un (un pisciculteur) et que vous l’interrogez poliment, il vous
apprendra que son stockage de souvenirs dans sa mémoire atteint les trois secondes
en moyenne. À notre échelle – mais qui n’est pas la sienne – gardons cette
remarque en mémoire, on peut dire qu’il oublie l’information aussi vite qu’elle
entre. Cette faculté d’oubli lui facilite beaucoup la vie. Elle explique :
1/ Qu’il ne s’ennuie jamais ;
2/ Qu’il tourne interminablement dans son bocal parce qu’à
chacun des 360 degrés qu’il parcourt sans se lasser il redécouvre un paysage
nouveau, celui qu’il avait oublié dès les 3 secondes passées ;
3/ On comprend pourquoi le poisson route n’est pas un poisson dépressif,
pourquoi il n’y a jamais de suicide chez les poissons rouges. Il faut trouver
le responsable du poisson rouge frétillant ante
mortem sur le tapis du salon non pas dans un saut de la mort suicidaire
mais dans le chat de la maison, même s’il dément en prétendant qu’il a horreur
de l’eau.
4/ En ne vivant que dans le présent, sans passé ni futur, le
poisson ne s’encombre pas de souvenir et n’a aucun projet pour l’avenir. Ne se
rappelant de rien, il n’a peur de rien. Quel sage est plus serein, plus heureux,
plus détaché que le poisson route, quelle méditation est plus transcendantale
que la sienne ? Le poisson rouge est l’exemple à suivre, le cadeau à
donner, la preuve par 9. Dernier conseil : quand vous voyez un poisson
rouge, soyez modeste, inclinez-vous.
Avec une base de départ aussi extrême que le poisson rouge - il
existe peut-être d’autres espèces dont le stockage de la mémoire est encore
plus court. Des recherches sont en cours sur le puceron et il semblerait que
l’on atteigne la nanoseconde, mais les chiffres sont contradictoires. Même
l’horloge atomique manque de précision. - Reprenons, avec une base de départ
aussi extrême que le poisson rouge, il est facile de poursuivre la
démonstration des effets délétères de la mémoire sur le bonheur que procure le
plaisir de vivre en étudiant ce qui se passe quand la capacité mnémonique
augmente.
__________
LA MÉMOIRE À UNE
MINUTE
Elle est très répandue chez les personnes âgées et très
âgées. Le phénomène commence à se faire sentir à 67-68 ans. Il se manifeste par
un oubli quasi-immédiat (chronométré, le temps entre le fait et sa disparition
mnésique oscille entre 35 et 65 secondes). Il a pour substrat un fait anodin
qui vient d’être exécuté et l’interrogation est quasi-immédiate : où sont
les clefs ? A-t-il mis ses gouttes dans les yeux ? A-t-on pris le
comprimé, fermé la porte, etc. Le souvenir s’est envolé avant de s’imprimer.
L’inconfort est véniel, énervant, parfois embêtant. Il fait courir le risque de
surdosage, entraîne des pertes de temps, peut faire manquer le train. Il n’a
pas d’influence mesurable sur la qualité du bonheur, car la mémorisation des
faits antérieurs n’est pas altérée et c’est durant les 20 premières années
qu’ils sont les plus perturbants puisqu’ils concentrent tous les souvenirs de
la crise de l’adolescence, période charnière qui conditionne la suite des
évènements et explique tous les ressorts de la tragédie qui fera le reste de la
vie.
______
LA MÉMOIRE À UNE HEURE
C’est l’apanage de la linotte (linotte : petit passereau
siffleur amateur de linette – graine de lin – brun sur le dos, rouge sur la
poitrine pour le mâle au printemps, amateur des cimetières forestiers).
Ce sympathique oiseau a une mémoire à court terme de soixante
minutes. Elle n’en souffre pas ni les oisillons car ses allers-retours au nid
n’excèdent pas 5 à 10 minutes. Elle sait donc en permanence où il est et ce
qu’elle doit y faire. L’acquisition du souvenir se passant avant la durée de
l’effacement, lui rend le temps plaisant. Elle n’a pas à se soucier du rappel
des mauvais moments du passé : froid de l’hiver, raréfaction des graines
des végétaux herbacés, infidélités du mari, abandon du nid par les petits, etc.
Bien que très dure, sa vie lui paraît légère, d’où l’emploi qu’on fait de sa
tête.
LA MÉMOIRE À 24
HEURES
La mémoire à 24 heures, je n’en sais rien car je n’en ai pas
trouvée. Votre témoignage m’intéresse.
à suivre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire