LES BEAUX MÉTIERS UTILES ET DANGEREUX
Les métiers dont nous avons succinctement décrit les
grandeurs et les misères ne sont pas les seuls sur le marché. Vous avez entendu
parler d’autres professions, toutes alléchantes car prometteuses de félicités.
Nous les avons gardées pour la fin. On ne peut s‘empêcher de les aborder
qu’avec réticence, appréhension. Ils ont eu leur heure de gloire. La roue a
tourné. Ils ont changé et mal vieilli. Ces métiers qui, à l’origine étaient
prestigieux, utiles, non dénués de risques ont mal résisté aux tentations, aux
fréquentations. Ils touchent à la politique, à l’argent, à la religion.
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Le métier politique
Le métier politique est le plus connu, le plus en vue. Il se
veut une mission et son grand prêtre bat les estrades, les rues, les marchés. Infatigable,
il va de congrès en meeting. Défiant le passé, optimiste pour le présent,
confiant dans son avenir, l’homme politique connaît toutes les erreurs à ne
plus commettre pour faire le bonheur du peuple. L’homme politique, quand il
parle de lui, devient lyrique. Il se comprend si bien qu’il sait de quoi il est
capable. Se dévouer pour la communauté, quel beau métier ! la faire avancer
vers un meilleur, quel métier nécessaire ! Mais il est dangereux car le
bonheur de la plupart ne peut se faire sans déplaire à une minorité puissante,
violente.
Voilà ce que l’homme politique nous vend quand il veut se
faire élire. Malheureusement la réalité rattrape le rêve et, à l’usage, il
éclate. Il n’y est, pour rien. La faute est au parti. Pour y faire carrière, il
faut être un professionnel de la politique. C’est un métier avec des règles à
respecter, un modus vivendi à
connaître. On y entre par une filière, l’ENA, le droit. Une fois introduit dans
le milieu, on s’adapte aux obligations, on fait ses preuves. On établit un plan
de carrière après s’être choisi un parrain. On s’intéresse aux avantages en
nature, on étoffe ses relations. On se ménage des positions de repli. On choisit
les idées d’avenir, un parti porteur. On apprend à parler, à bien présenter, on
devient indispensable, un interlocuteur apprécié. On sait faire rire et
réfléchir. On a de la gravité à propos, on parle de la situation avec émotion
quand il le faut.
Le métier d’homme politique est un métier de composition. Une
assurance rassurante au service d’une détermination affichée sans ambigüité
prouve un courage qui n’attend que l’occasion d’étonner. Les autres qualités
sont celles d’un sociétaire du Français : mémoire absolue pour répondre à
tout ; diction à faire résonner les phrases, leur donner la grandeur qui
peut leur manquer dans le feu de l’improvisation. Dans les coulisses, un
bataillon de plumitifs lui pond, à la demande du besoin, l’anecdote, la
citation, le slogan. La plus belle plume – généralement un CDD de Normale Sup’
– lui fournira de grands et vigoureux discours dignes d’un Cicéron pour enflammer
la foule. C’est à ces instants-là qu’un cap est franchi et qu’il se voit
l’homme d’État qu’il croit être. Hélas, comme le comédien, sitôt quittée la
scène, retrouve ses habits de ville notre homme, descendu du podium, reprend
ses petits calculs. Son bien privé supplante le bien public. Il a les mots pour
dire mais pas le pouvoir de faire. Il redevient le politicien qu’il n’a jamais
cessé d’être. Au final le métier de politicien est pour les menteurs, les
voleurs, les tricheurs.
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