Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


dimanche 26 mai 2013

À VOS SOUHAITS

Parce qu’elle hausse facilement le ton, la voix a des prétentions hégémoniques. Elle a tort. L’homme n’est pas qu’un instrument à cordes et son corps a beaucoup de moyens de se faire entendre. Chacun a son usage et en dit beaucoup.
Passons rapidement sur les battements de pieds et ceux des mains. C’est un bruit répétitif qui peut avoir une qualité musicale quand il est cadencé. La langue, les lèvres, les dents avec le sifflement, les clics, les claquements, les stss-stss et autres onomatopées ne nous retiendront pas. Les sonorités venues du bas sont plus intéressantes car dues à un détournement d’appareils.
Il y a le claquement, petites pétarades liées à l’éclatement des bulles de gaz dans les articulations métacarpo-phalangiennes. Certains sont des virtuoses et donnent l’impression qu’ils sont en train de se casser les phalanges. Ce peut être éprouvant.
Nous passerons très vite sur le rôt et le pet, deux bruits incongrus, intempestifs. Ils sont, le plus souvent, spontanés. Ils dégonflent, l’un l’estomac, l’autre le côlon. Ils sont dégoutants, mais le premier peut, dans d’autres cultures, être un signe de satisfaction et le deuxième, à une autre époque, faisait de son auteur un musicien à succès. On s’en débarrasse facilement avec du Smecta, du charbon du Belloc et du bicarbonate de soude ajouté aux choux.
Il est un bruit qui sort du lot. Tonitruant, il se fait remarquer. Précédé d’un titillement des fosses nasales, certains masochistes par un effort de volonté arrivent à stopper son arrivée. Mais ceux qui ne boudent aucun plaisir le laissent venir, inspirent pour le rendre encore plus triomphant et, dans un vigoureux hochement de la tête, l’éternuement explose. Il y a, bien sûr, quelques dommages collatéraux mais il suffit de s’écarter de la trajectoire ou de sortir son mouchoir. Le soulagement est immédiat, la petite démangeaison a provoqué une petite giclée d’endorphines qui, sans addiction, laisse un bon souvenir. Mais l’homme qui éternue n’en a pas fini. Outre ce petit plaisir, l’éternuement a une dimension sociale qui en fait tout le charme. Sans que l’on sache pourquoi, il déclenche chez le spectateur - qui est surtout un auditeur - une réaction empathique instantanée, quasi-réflexe qui l’oblige à déclarer, tout de go, une phrase rituelle, empruntée à on ne sait quel mythe préhistorique : « à vos souhaits ». Ces vœux, cette prière adressés à l’emporte-pièce sont peut-être le seul exemple de solidarité, la seule manifestation d’amitié qui peut lier, l’espace d’un moment, deux inconnus. Beaucoup plus spontanée que la poignée de main, l’accolade, le baisemain, l’embrassade, l’éternuement, phénomène physiologique réflexe, provoque chez l’autre un réflexe symbolique de sympathie qui ne doit rien à la réflexion, au calcul. L’éternuement et son souhait sont le signe que l’homme - dans cette occasion au moins - est un agneau pour l’homme.
____________

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire