Le mécontentement du personnel des EHPAD a des raisons
encore meilleures que celles qu’il manifeste et des milliards ne
résoudraient rien.
Il faut comprendre que ces structures n’accueillent pas que d'aimables
vieillards perclus de rhumatismes venus y terminer, dans les souvenirs, la
sagesse et le repos, une vie de travail, de fatigue, de famille. Ceux-ci ne posent
que des problèmes qui ont une solution, que des questions dont ils comprennent
la réponse. Ils marchent lentement, avec une canne ou en déambulateur mais leur
cerveau est agile. Leur 4ème âge est presque aussi
beau que les précédents. Les aider, les servir, les soigner est facile. Ils
savent être contents, dire merci.
Et il y a les autres, de plus en plus nombreux, qui ne savent
pas où ils sont, qui ils sont, ne reconnaîtraient plus leurs enfants s'ils venaient encore les voir. Ils ne
savent plus lire, plus écrire, plus parler, plus manger.
Pire encore, il y a ceux qui, en plus de tout cela, sont grabataires,
attachés à leur lit, incontinents. Ils crient, battent, mordent, griffent. Il faut les laver, les essuyer, les changer, sans arrêt.
Les morts-vivants, les comateux au long cours, n’ont plus de
problèmes relationnels, seulement de nursing.
Avec des sondes de haut en bas, une respiration assistée ou pas, tout baigne
puisque que le cœur bat. Avec eux, on n’a pas à
invoquer la légitime défense, on n’a pas
à se défendre.
Tous ceux qui se scandalisent de la maltraitance en maison
de grande dépendance ne supporteraient pas de passer une heure avec l’équipe de soins. Cette violence est de l'auto-défense, une façon -mauvaise - de se purger de sa fatigue, de son dégoût, de sa détresse, de l'insupportable.
L’agression est physique. Aucun sens n’est épargné. Il faut
mobiliser toutes ses forces et sa résistance pour maîtriser, manipuler, nettoyer cette humanité tournée
à un état qui n’est pas la bestialité. Les animaux, dans leurs vieux jours, gardent une noblesse qui fait honneur à leur animalité.
Les hommes, les femmes qui finissent leurs jours dans l’abjection
que nous avons décrite auraient refusé de s’occuper d’un pareil à ce qu’ils
sont devenus.
Que faire ?
Réparer une injustice et payer à son juste prix l’effort
surhumain que déploient celui et celle qui se chargent d’un ou d’une grabataire
incontinent(e), gâteux(se), violent(e), reconnaître leur mérite.
Regarder avec logique, courage, sang-froid, la
réalité et accepter une vérité: l’organisme qui respire, digère, excrète
mais qui a perdu sa tête n’est plus une personne, elle a été, mais elle n’est
plus.
Les temps sont au changement puisque, même chez nous on peut
maintenant signer un papier qui prévient que l’on refuse l’acharnement, que l’on
veut en finir au plus vite et éviter de durer quelques années dans le plaisir d’un
coma dépassé ou d’une dépendance de tous les instants. Laissons ceux qui sont
attirés par cette perspective cocher la case «prolongation» et qu’ils
fassent vivre l’enfer à ceux qu’ils ne reconnaîtront pas, mais refusons que
leur fanatisme empêche ceux qui le veulent de choisir de partir avant de tomber
dans l’indignité.
Les français doivent réfléchir au devoir, au droit de mourir avant qu'il ne soit trop tard.
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