Dans son jeune temps, elle a décidé de faire du nôtre son
foyer. Il ne lui a pas fallu longtemps pour nous rendre attentifs à ses
besoins, empressés à ses caprices. Ce fut un dressage en douceur, avec des
ronronnements, des petits miaulements, des acceptations de caresses, des lèchements
de babines très ostensibles, des frottements suggestifs. Sa maîtrise parfaite
de la manipulation témoignait d’une connaissance de la psychologie humaine très
étonnante. Son don d’observation, une intuition démultipliée, son esprit de
déduction lui permirent de publier plusieurs ouvrages qui restent dans les mémoires :
« L’inné et l’acquis chez le chat de gouttière »
« Nos amis les humains », traité d’ethnologie et
anthropologie comparées
« Le Maine-coon cat et le Persan », un essai politique,
toujours d’actualité
Sa pochade gastronomique en alexandrins, façon fabuliste
« La souris des champs et la souris de ville » est épuisée et c’est
bien dommage.
Etc., etc.
Plus tard, fatiguée de la notoriété mais aussi blessée de
l’incompréhension grandissante face à sa réflexion très en avance sur l’académique,
perclue de conservatisme et dédiées reçues, elle se retira, encore jeune, de la
compétition médiatique pour se consacrer à la contemplation extérieure et à une
recherche intérieure.
Elle garde le silence sur l’avancement de ses travaux. Elle
nous en fera la surprise, le moment venu.
Elle nous fit récemment une confidence : « Je suis très déçue par le
comportement de Tigre, mon nouveau protégé que vous avez adopté. Il ne me
témoigne aucun respect, moi, qui pourrais être son
arrière-arrière-arrière-arrière grand-mère si je n’avais pas eu la totale quand
il l’a fallu. Il me bouscule, vole mon saumon, passe devant moi. Plus leste, il
n’a pas de peine à attraper les petites souris ou un petit oiseau. Il sait
qu’un cuisseau de musaraigne ou le sot-l’y-laisse d’une petite mésange sont mes
plats préférés. Plutôt que de m’en faire cadeau, il se place à un mètre devant
moi et déguste les bestioles en en faisant craquer les os. Il me laisse, par
dérision, la vésicule toute amère ou les plumes. C’est un problème de
génération et, dans mon jeune temps, c’eût été impensable. La Société Féline
Internationale aura du mal à rétablir la situation ».
Profil.- Née le 29 mars 2002. Mère européenne d’Auvergne et
père inconnu. C’est une chatte sans prétention qui passerait inaperçue. Elle
est de la race de l’espèce de gouttière. On l’écraserait sans faire attention
si l’occasion se présentait.
Comme toutes les chattes de gouttière, elle a horreur de
l’eau. Elle ne peut pas être confondue avec le poisson-chat flottant de ce qui
reste de la Grande Barrière de corail. Elle ne ressemble pas non plus au
chat-huant ni au chat perché des îles des mers du Nord.
Sa petite enfance ne fut pas rose car elle fut abandonnée à
l’âge de deux mois par une mère très peu possessive et très pressée d’aller
danser la bourrée avec les mâles de son voisinage.
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