LES BEAUX MÉTIERS UTILES ET DANGEREUX (suite)
Le banquier
Prêteur, volontiers usurier, un peu voleur, il gagnait de
l’argent en regardant les autres travailler pour le rembourser avec, en plus,
son dividende qui payait la patience et la bonté qu’il avait eues en prêtant à
l’emprunteur. Plus le besoin était pressant, plus la différence pouvait être
grande et le bénéfice élevé.
À un moment de l’histoire, l’argent s’est mis à circuler
avec l’augmentation des consommateurs et de la consommation consécutive à celle
du travail et des populations dans des proportions si considérables que, pour
s’en occuper, le distribuer à ceux qui en avaient besoin - ou seulement l’envie
d’en avoir - il fallait une organisation spéciale. Elle se plaça au milieu des
autres corporations. Ainsi naquit la banque, au service des banquiers. Ce fut
leur grande et belle époque. Familiers des trônes, puis des Républiques, ils
assuraient les fins de mois, finançaient les expéditions lointaines,
spéculaient sur les emprunts d’État, émettaient des bons du trésor,
investissaient dans les rentes perpétuelles.
Ils s’établirent en dynastie. Fêtés, anoblis, ils créèrent
une aristocratie. Elle est toujours là, sait toujours compter, fréquente la
haute société du pouvoir. Mais, avec le temps, comme la noblesse d’épée – qui,
au temps de la féodalité mourait à Crécy, à Rocroi au nom du roi, elle était
devenue une noblesse de robe, travestie en courtisane, avec une épée d’apparat
au côté et s’abîmait dans le luxe, la luxure, la frivolité et l’argent du roi -
le banquier dégénéra.
Habitué à faire des bonnes affaires, par temps calme ou, la
chance aidant, par temps même abîmé, il était encore un aventurier. Aujourd’hui
l’appétit est toujours dévorant mais le banquier a changé ses habitudes. Il
veut bien spéculer mais sans risquer une banqueroute. Il a perdu son goût du
risque et pris des assurances. Il les acheta en devenant si important que les
gouvernants demandèrent aux banques de devenir leurs fournisseurs, leurs
interlocuteurs dans la gestion de la finance. Cautionnés au plus haut degré,
les banquiers s’en donnèrent à cœur joie et, l’imagination en délire, se mirent
à jouer avec les chiffres, les nombres, les pourcentages. Ils n’y trouvèrent
que des avantages à multiplier les opérations sur tout ce qui pouvait être
vendu et acheté. Ce fut le temps béni des fonds pourris, des valeurs
indicielles, des warrants, etc…
Les pyramides fleurirent. Tout était achetable : l’or,
l’argent, mais aussi la poudre de riz, les lentilles, la viande en farine, sur
pied, congelée, les récoltes à venir. La frénésie est devenue telle que les
dettes sont des valeurs et d’autant plus rentables qu’elles sont insolvables.
La BCE évitera la faillite en accélérant la rotative à billets virtuels.
Le banquier a changé de métier, de produit, d’éthique, de client,
de manière. Il gère des fonds secrets, blanchit l’argent sale, prête aux
riches, aux États en faillite, aux sociétés anonymes. Il opère depuis des
paradis fiscaux, à partir de banques off-shore, pour des comptes secrets. Il
achète les journaux, les radios, les télévisions et, avec les politiciens
véreux, les votes, les élections, la politique, le gouvernement. Le banquier a
fait un hold-up sur la société. C’est pourquoi on l’appelle un bankster. C’est
ce que vous voulez comme métier ? Vous devinant, ça m’étonnerait.
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