LES BEAUX MÉTIERS UTILES ET DANGEREUX (suite et fin)
LES MÉTIERS DE LA RELIGION
La religion est un domaine ésotérique, poétique qui attire
les âmes pures, les épris d’absolu, les amoureux d’infini. Ils ne supportent
pas leur état, leur faiblesse, leur intermittence. Ils se rêvent un futur
éternel dans une félicité surnaturelle. Ils les voient passer auprès de leur
père tout-puissant, ravi de se retrouver entouré des adorateurs qui, avant de
l’admirer, avaient passé leur vie à le prier, le supplier, pleins de dévotion
et d’inquiétude à l’idée de n’être pas récompensés de tant de sacrifices,
d’actes de foi et de contrition.
Ce qui précède est le concept qui, plus ou moins, est à
l’origine de la vocation des métiers de la religion.
La Religion est l’organisation qui a pris en charge les
rapports que le Créateur entretiendrait avec ses créatures. Selon les pays, les
cultures, l’idiosyncrasie, les guerres, cette organisation varie, son
administration s’adapte, colle au terrain, à la mentalité. Dans tous les cas
elle mobilise beaucoup d’énergie, d’argent. Il en faut pour la faire vivre, la
propager, la développer, se battre contre les autres religions. Quelles
qu’elles soient, le schéma est le même, il est traditionnel : il y a les
serveurs et les serviteurs, ceux qui ordonnent, ceux qui obéissent. Chacun est
a sa place : les dominants s’occupent des dominés. Les uns sont contents parce
qu’ils ont la belle vie, les meilleures places (palais épiscopaux, palais
pontificaux, titres flatteurs : monseigneur, sa Sainteté, son excellence),
les autres sont comblés par les indulgences, des miracles, des apparitions, des
résurrections, des assomptions, des aumônes, les grandes messes, les grands
orgues, des beaux sermons. Fidèles, pauvres d’esprit, naïfs, croyant tout ce
que les théologiens ont inventé, ils attendent avec patience la récompense qui
les attend dès qu’ils auront expié au purgatoire tous les vilains péchés qu’ils
n’ont pu s’empêcher.
Longtemps les métiers de la religion – du moins de celle que
l’on connaît dans nos régions – ont prospéré. Le vivre, le coucher, le manger
étaient assurés après une préparation dans les petits et les grands séminaires.
Il fallait démontrer que la vocation était sincère et que l’on croyait ce que
l’on récitait, qu’on allait travailler dur aujourd’hui pour se la couler douce
après (l’extrême onction).
Ce furent des siècles où la recherche et le développement de
la religion catholique firent l’admiration de tous, croyants ou incroyants.
Être d’Église vous posait son homme (c’était un peu moins vrai pour les bonnes
sœurs cachées dans le couvent). C’était un beau métier et leur maman était
fière ; un métier utile car on enseignait une morale qui avait des bons
côtés ; un métier dangereux, surtout pour les missionnaires en Afrique ou
plus loin aux prises avec les autres religions, la dysenterie, le paludisme, le
mal du pays et des tentations que je ne détaillerai pas.
Puis, comme pour l’argent et la politique, le temps est
passé, le soufflé est retombé. Le temps de la routine, de l’ennui, des
dérapages, des compromissions est arrivé. La R&D a été négligée, les
produits dérivés n’ont pas été renouvelés. Les hommes eux-mêmes (les femmes
aussi) se sont fatigués. Les institutions ont vieilli. Les hommes d’église qui
restaient sont devenus d’appareil. Ceux qui résistent ne sont pas entendus même
dans leur chapelle. Les besoins ont changé, les mœurs ont évolué, le ciel est
devenu une banlieue de la terre et on n’y rencontre toujours personne :
pas une seule aile d’ange.
Il y a d’autres problèmes. Certains purs esprits s’avèrent
ne pas l’être autant qu’ils le prétendent. Leur angélisme a succombé parfois à
un naturalisme très peu virginal et qui occupait le haut de la chaire se
retrouve dans les faits divers. La religion a bien du mal à se maintenir en
place. La concurrence est rude, d’autres mieux adaptées ont un marketing plus
affuté et lui taillent des croupières.
L religion est pourtant toujours tendance. Il y a encore un
gisement d’avenir pour ceux qui n’ont pas peur de se mouiller, d’aller au
charbon, de prendre des risques. Des places sont à prendre, beaucoup d’évêchés
vont se trouver sans évêques, la curie va devoir rajeunir. Il y aura des belles
opportunités avec une chance, tous les 10 ou 20 ans d’une grande promotion.
Les vrais religieux, ceux qui croient dans le dieu des
évangiles, se tiendront à l’écart des métiers de la religion. Ils prieront en
silence. Seront intéressés : les orgueilleux, les prétentieux, ceux qui
savent mentir, promettre sans êtres sûrs, faire des beaux discours. On retrouve
presque le profil du métier politique et vous savez ce qu’on peut en penser.
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