L'information qui arrive au consommateur par la voie d'un média est un produit fini qui n'est pas sans rappeler le cycle qui, à partir du cochon, aboutit à la tranche de jambon dans l'assiette.
Remontons la chaîne. Au début, il y a un fait qui s'est produit: explosion, bombardement, crime, enlèvement, accident (incendie, tsunami, éruption, etc.). Il a été vu par un ou des témoins qui ont, selon, le cas fait le 15, 1e 17, le 18, le 111, le 112, 115, le 116, le 119, le 191, le 196, le 197, le 3117 ou envoyé un SMS au 114. Les autorités (maire, Samu, gendarme, pompiers, préfet, journaliste) ont écrit un rapport. Nous nous limiterons au traitement du fait par le journalisme. Dans le meilleur des cas, le journaliste spécialiste des faits divers et des chiens écrasés est allé sur place (il connaît son métier) interroger le ou les témoins, vérifier qu'ils n'étaient pas des mythomanes, des affabulateurs, des menteurs. Habituellement, il reprend la dépêche de l'AFP, l'agence d'information de l'État qui obéit aux ordres du gouvernement. Il écrit un article pour la prochaine édition (une édition spéciale est rare , seulement si la guerre avec la Russie est déclarée, en cas d'explosion d'une bombe atomique sur une capitale ou du big one du côté de San Andreas). Il le soumet au rédacteur en chef qui vérifie qu'il est conforme à la charte du journal, compatible avec le niveau de connaissance du français des lecteurs, qu'il ne les traumatisera pas, ne leur donnera pas de mauvaises idées telles que faire la révolution, mettre le feu à la voiture du voisin, organiser une expédition punitive dans la proche banlieue ou se désabonner. Il fera attention à la réaction du directeur du journal qui, il le sait, est très sensible à l'opinion du propriétaire. Celui-ci est, en général, un milliardaire qui a fait fortune dans les farces et attrapes, le commerce des armes, la vente de colifichets ou de crèmes pour les vieilles peaux. Rien dans l'article ne doit avoir un lien de près ou de loin avec son commerce, aucune allusion ne doit être faite avec ses liens avec la mafia, un pays étranger, sa faillite prochaine, sa santé flageolante, ses liaisons dangereuses.
Au terme de plusieurs lectures, de la quatrième mouture, l'article revu et corrigé est envoyé à l'imprimante et disponible à la vente ou sur le prompteur du journaleux en charge du journal de 20 heures.
Le fait brut a été soumis à six censures avant d'être proposé au lecteur ou à l'auditeur. Chaque étape est l'occasion d'une distorsion par interprétation. Comment s'étonner que le produit final n'ait qu'un lointain rapport avec l'initial. Il se passe la même chose qu'avec le cochon : qui reconnaitra dans la feuille rose déposée dans l'assiette la pata negra qui mangeait des glands dans un champ de chênes d'Estrémadure.
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