Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


mercredi 1 mai 2013

SPÉCIAL PREMIER MAI

ÉDITORIAL

La décision a été prise au plus haut de l’État. Elle était attendue depuis que l’aggravation de la situation avait rendu intenable celle-ci et nécessaire celle-là. L’échec du traitement symptomatique de la crise a convaincu le gouvernement qu’il fallait changer de politique, prendre acte de l’inefficacité et des réactions de rejet à ces mesures ponctuelles et faire, enfin, la révolution qui allait permettre à la France de montrer l’exemple en ouvrant le siècle aux lumières du futur.
 
L’heure est providentielle et fera oublier l’affaire Cahuzac, la reconquête du Mali, les voleuses du Louvre, les tribulations de François en Chine, la mise en CDI de tous les chômeurs par Pôle Emploi. Elle créera le choc salutaire et la prise de conscience collective.
 
Le premier mai, le chef de l’État fera basculer l’opinion et donnera le départ du changement, en décidant que la fête du travail s’appellera dorénavant la Fête du Repos.
 
L’heure n’est plus à la révolte des sans travail, le temps est venu de la révolution de l’emploi.
 
Pourquoi une révolution ?
 
La disparition du travail est programmée. L’ouvrier sera remplacé par un automate qui commandera la machine qu’un robot aura fabriquée après qu’un humanoïde doté d’une intelligence artificielle supérieure l’eut conçu après l’avoir imaginé. L’homme (ou la femme) n’ayant plus sa place dans le circuit aura donc tout le temps de ne rien faire. La civilisation du repos s’est ainsi avancée et c’est pour elle que nous devons travailler.
 
Il était normal que la France montrât l’exemple. Beaucoup d’autres pays la jalousent. Les statistiques sont éclairantes. Ils auront du mal à s’adapter, à nous rattraper. Leur retard est trop important, laissons parler les chiffres : les USA ont 13 jours de congés, le Japon 15, l’Australie 19. La France est dans le peloton de tête loin devant l’Angleterre, la Hollande mais ils n’ont pas nos RTT, nos viaducs entre le dimanche et le jour férié, les arrêts maladie acceptés sans maladie et la merveille des merveilles, les 35 heures.
 
L’effort supplémentaire sera donc minime, préparé par un entraînement intensif pour ceux qui ne sont pas au chômage, à la retraite, en invalidité catégorie 2, en inaptitude, en prison, en fuite, bloqués dans les embouteillages, en résidence forcée suite à une grève surprise des cheminots, du RER, des bus, du métro, des feux rouges, de l’EDF, etc.
 
Le gouvernement qui a montré depuis toujours son sens des responsabilités et depuis maintenant sa capacité de découvrir des solutions nouvelles à un problème ancien, va entreprendre, dès la rentrée des classes, un travail d’adaptation des nouvelles générations à leur condition de vie de l’avenir. L’éducation nationale s’est déclarée prête à relever le défi, à gagner le challenge et la bataille. De façon souterraine, en catimini, elle œuvrait en ce sens depuis longtemps. Elle y a fait ses preuves, elle a montré ses capacités à préparer les élèves, les étudiants à devenir des chômeurs. Elle leur enseignait des matières inutiles qui n’avaient aucun débouché : psychologie, sociologie, histoire de l’art, journalisme, photographie, mécanique auto, itinérants du spectacle. Ne sachant ni lire ni écrire à la sortie des classes terminales, ils étaient outillés pour redoubler, tripler les classes préparatoires, abandonner le cursus universitaire dès la première année et apprendre à vivoter en servant chez MacDo, en intérimaire à La Poste, stagiaire à Décathlon. Les risque-tout, les têtes brûlées avaient une porte de sortie en entrant dans la Légion, dans les armées Terre-Mer-Air, la police, la gendarmerie, les pompiers, les garderies carcérales.
 
L’éducation nationale, débarrassée de tout souci pédagogique pourra enfin ouvertement revendiquer sa vocation réelle, trouver sa vraie mission. C’est un pari qui n’est pas gagné. Autant il était facile de préparer les jeunes au chômage, autant il est difficile de leur apprendre à ne pas s’ennuyer sans travailler. Le défi est là : le repos n’est pas un temps mort. Il n’est pas perdu. Au contraire, il doit être gagné pour bien en profiter, s’en enrichir.  C’est ainsi que la société cessera d’être misérable, pitoyable désemparée, désespérée et deviendra meilleure, optimiste, rayonnante, joyeuse, tournée vers le bonheur, le plaisir.
 
Cette transformation doit être menée par une éducation nationale régénérée, joviale, dynamique. Elle sera relayée par les ministères de la Bonne Humeur, de la Pleine Forme, des Loisirs Ludiques et Instructifs, Créatifs, de la Grandeur d’Âme, des Plaisirs Solitaires et Collectifs.
 
La déformation demandera un effort permanent, des sacrifices seront exigés. Pour profiter des arts et des lettres il faudra renoncer à l’illettrisme et connaître le grec, le latin. Pour faire du sport et cultiver son corps, un entraînement régulier voire intensif mobilisera les bras et les jambes. Les gradins seront remplacés par des pistes de course à pied.
 
L’hédonisme, l’épicurisme, le sybaritisme ne sont pas des disciplines abstraites. Aussi exigeante que la pâtisserie, la confiserie, la charcuterie, la chocolaterie, ils demanderont des maîtres, des années d’études, de réflexion, de méditation avant le passage à l’acte et leur mise en train. Cultiver son jardin, élever des poulains, dompter les vagues ne s’improvisent pas. Il faut du temps, de la sueur, des larmes.
 
Apprendre à rire, à rêver, le sens de la répartie, l’art de la conversation, de l’écriture, la peinture, la musique, la gravure, la sculpture, à voyager exigent davantage d’effort que de monter un mur de parpaings, coudre un bouton, enfoncer un clou, scier une planche.
 
La civilisation qui commence n’est pas de tout repos. Elle obligera chacun à se prendre en main. Il n’y aura plus un patron, un contremaître pour dire ce qu’il faut faire, comment se fatiguer et à qui obéir. Vous serez votre seul maître après Dieu – si vous y croyez. Rien ni personne ne vous y forcera. En serez-vous capable ?
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