Grâce à
une subtile désinformation, à une propagande savamment orchestrée et à une
offensive permanente, les végétariens et leurs sous-marque sectaire, les
végétaliens, ont réussi à donner d’eux-mêmes une image pieuse, à se faire
passer pour des non-violents sous la houlette de saint Gandhi, à se poser en
angelots, amis des bêtes et des moustiques, pacifistes répondant à l’injure par
le sourire, eux qui préfèrent la carotte râpée à l’entrecôte saignante.
Hélas,
ce miracle est un mirage, leur sainteté une imposture, leur cruauté sans limite et leur cuisine une salle de torture, un champ
de bataille, une hécatombe, une vallée de larmes.
Regardons-les
quand ils se croient seuls à officier dans leur salle d’exécution. D’abord, les
instruments:
- - des couteaux de toutes tailles et dimensions, des
mandolines, des éplucheuses, des cutters, des hachoirs, des passoires ,
- - des
friteuses, des bouilloires, des écumoires ,
- - des broyeuses, des
mixeurs, des fours crématoires, des feux électriques, à gaz, à charbon, à
micro-ondes.
Voyons-les
s’employer à transformer les beaux légumes déterrés quand ils se cachaient, qu’ils
ont arrachés de leur potager ou du pays lointain où ils se doraient au soleil
et qu’ils ont calibrés, emballés, encaissés dans des containers, congelés. Ils
ont voyagé à fond de cale, étouffés dans l’azote , exposés sans précaution dans des halles et jetés sur des étals en vrac, pesés dans des sacs, au fond des cabas, malmenés pour se retrouver enfin sur une
table, livrés sans défense à des sadiques affamés, pour être
sacrifiés, dans des rituels épouvantables à je ne sais quelle divinité
infernale dont des cuisiniers sadiques se font les sectateurs obéissants. Si
vous avez le cœur bien accroché à vos tripes et, puisqu’il faudra bien un jour
témoigner, forçons-nous à regarder :
La
carotte, cette racine succulente, sucrée, belle à voir, bonne pour la vue est,
avec sa cousine la patate, la plus mal traitée du potager. Elle est arrachée à
sa terre en lui tirant les cheveux, sans ménagement. Sur la table on lui coupe
la tête, son pied. Sans queue ni tête, on l' épluche en lui enlevant
la peau avec une espèce de rasoir qu’ils appellent un éplucheur. Cela rappelle
le supplice que les chinois employaient pour punir les voleurs et que les
inquisiteurs avaient repris pour obtenir des confessions franches et sincères.
Une
fois mise à vif, la carotte n’en a pas fini avec son ami pacifique. Soit,
elle va en finir avec ce qui avait été une belle vie en étant mise dans une
casserole avec de l’eau qui sera portée doucement à l’ébullition pour qu’elle
profite longtemps d’une montée en chaleur qui va lui permettre de subir tous
les charmes de la brûlure du premier, deuxième, troisième degrés. Pour la
garder plaisante sous la dent, notre bourreau au cœur tendre avant la
carbonisation, qui, prétend-il, est cancérigène, lui, il n’aime pas mourir de
cancer, c’est trop douloureux, dit-il en frissonnant.
Si
la carotte n’est pas cuite, elle sera, hélas pour elle, mangée crue. Le
supplice est raffiné. Elle est, soit divisée en lamelles, en julienne, en
petits cubes ou carrément réduite en hachis, sans anesthésie et pour le comble,
gardée dans du vinaigre adouci d’huile. Dans un raffinement emprunté à ses
maîtres en torture orientaux, du poivre de Sichuan est incorporé au mélange
pour augmenter l’horreur de la fin de cette carotte qui, encore palpitante,
devra subir l’enfournement dans une bouche armée de dents pointues où elle
perdra ce qui lui reste de conscience et de souffrance dans un estomac
chlorhydrique qui doit être aux flammes de l’enfer ce qu’une place au soleil doit
être à une douceur d’épeautre.
La
pomme de terre - et tous les tubercules plus ou moins apparentés - subissent
des outrages de la même envergure. Leurs souffrances viennent du couteau qui
les aborde sans rencontrer de résistance car leur chair est tendre, leur peau
fragile. Elles n’ont rien pour se défendre. Dépiautée par l’éplucheur, dépecée
par le couteau, la pomme de terre est soumise à toutes les exactions d’une
imagination forcenée : bouillie, sautée, chambrée, détaillée en frites pour
être cuite dans l’huile bouillante.
Quels
qu’ils soient, d’où qu’ils viennent, leur sort est atroce : le persil est
haché, le pois est cassé après avoir été écossé, le choux est braisé, la tomate
farcie, les champignons émincés. L’artichaut au cœur si gros est massacré avec
un raffinement qui aurait fait frémir monsieur Samson : la queue est arrachée
puis c’est au tour des feuilles. Ses poils sont épilés, à vif, par poignées.
Les plus sadiques le mangent cru, tout vivant ; ce sont les mêmes qui pleurent
sur le homard qu’on tranche en deux sur le billot. L’artichaut n’a pas le droit
à cet honneur.
Les
fruits, ces miracles de saveurs, de sucre sont aussi maltraités qu’un
topinambour ou qu’une courgette : les fraises sont écrasées, la rhubarbe
découpée, les amandes grillées, émondées, pilées ; les ananas tranchés, tandis
que le citron et l’orange sont pressés. Ce qui n’est pas cuit est assoiffé pour
être séché. Ainsi finissent les abricots, les dates, les figues, les pêches,
les prunes.
Le
végétariens aiment les œufs, disent-ils en se moquant des véganiens mais ils
ne peuvent s’empêcher de les battre, de les poêler, de les frire. Sur l’eau qui
désaltère, rafraîchit, nettoie l’âme et le corps, ils s’acharnent aussi, la
congèlent pour la faire grelotter en glaçons ou la font bouillir pour essayer de
la cuire. Sa seule façon de survivre est de s’évaporer, mais dans quelle
douleur !
Mais,
disent-ils, face à leurs crimes domestiques, quand on leur demande de
s’expliquer, d’avoir pitié : « les fruits, les légumes ne pleurent pas, ne
saignent pas, sont contents de finir en purée, en compote, en hachis, en
fraisiers. Ils mûrissent pour nous et ils attendent qu’on les cueille avant que
de se flétrir, de pourrir ».
Ce discours est pharisien. Il est au point. Le
suc, le jus, la chair dont ils se régalent, se goinfrent après l’avoir
extraite, traitée comme on l’a vu, ne sont pour eux que des liquides et du
solide dont on peut disposer. Rien à voir, disent-ils, avec le sang et la chair
des veaux, vaches, cochons, volailles dont les carnassiers sans cœur ni âme se
repaissent. Une table de cuisine n’est pas, pour eux, un abattoir. Et pourtant,
s’ils voulaient bien réfléchir, ils comprendraient que les fruits et les
légumes sont des êtres vivants, différents certes, car prisonniers du potager,
de l’arbre, du groseillier, du framboisier mais ce sont des enfants qui
naissent, grandissent, mûrissent et vieillissent avant de mourir. Leur parcours
est celui d’un vivant. On ne les entend pas car ils parlent en odeurs, en
couleur et, parce qu’ils ne les comprennent pas, les
végétariens s’octroient le droit de les manger, cuits ou crus, après leur avoir
fait subir des sévices incroyables. Ils s’en lavent les mains avant de se
mettre à table pour les mastiquer, les digérer, sans rien entendre, sans rien
comprendre.
Que
mettre dans l’assiette ? Il faut bien manger pour vivre !
Ce
que vous voulez, mais à la seule condition que vous reconnaissiez que vous êtes
un animal de la race des carnivores ou des herbivores, que vous ne valez pas
mieux qu’eux. La seule différence qui vous en sépare, est en leur faveur. Ils
mangent parce qu’ils ont faim et n’ont pas inventé la gastronomie pour raffiner
la souffrance de ceux dont ils se gavent.
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