L'inconnu de l'omnibus, c'est moi, l'inconnu dans la foule, c'était moi. Ma notoriété est nulle. Elle ne dépasse pas le pas de ma porte. Quand on m'interpelle dans la rue, c'est pour me dire: "vous, je ne vous ai jamais vu". Je sais me rendre méconnaissable.
Né sous X, j'ai vécu mes plus belles années sans le savoir. Plus tard, je me réfugie dans une île déserte, puis, chassé par la montée des eaux, j'ai trouvé refuge dans un village perdu du désert des Agriates.
Saisi par l'appel de la patrie, je me présente la caserne. "Inconnu au bataillon", me dit l'adjudant de carrière. Dans la foulée, voulant à tout prix m'engager, j'épouse une fille mère de famille nombreuse, née de parents inconnus.
Une fois sa gorouée dispersée, elle disparut sans laisser d'adresse. N'ayant plus de gifles à donner, ni de coups de pied au cul à distribuer, je cherche à m'occuper, à contribuer au malheur de la communauté, à m'enrichir aux dépens de mon voisin dans la mesure de mon absence de moyens.
Un jour où j'étais encalminé, à marée basse, sur un échouage de fortune et que je me félicitais d'avoir échappé au naufrage, je pensais à ma chance de ne rien devoir à personne, de n'avoir personne à qui refuser un service, de déambuler sans être interpellé, interrogé, bousculé par un inconnu sous prétexte qu'il m'avait pris pour quelqu'un. Ne cherchez pas à me rencontrer, je ne suis là pour personne.
____
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire