Le protocole du réveil fut le même que la veille.
Tout le monde avait survécu et chacun répondit à l’appel.
Pas de déserteur.
Le petit déjeuner fut suivi d’un rappel du programme. Il
était chargé car beaucoup restait à faire et à découvrir dans la théorie et la
pratique.
Monsieur Martin, le maître de stage nous parla de :
-
production : raisonnée.
-
travail : permanent ;
-
du financement : permanent dans les
dépenses, intermittent dans les recettes ;
-
des aléas : climatiques, économiques ;
-
des ennemis : pluies, grêle, sécheresse,
attaques des parasites, des champignons, des sangliers, des raves parties, les grandes
surfaces, l’industrie agro-alimentaire, les abeilles, la nappe phréatique, les haies,
les petits oiseaux, l’écologie radicale.
11 h -12h30.- Stage pratique au potager pour tous suivi
d’une visite au poulailler et d’un bonjour au cochon :
-
binage, sarclage, arrosage, plantage de pommes
de terre, de tomates.
-
Initiation au compostage.
-
Travail du potager avec ou sans
motobinage ? Paillage, Bois raméal fragmenté. Avantages, inconvénients.
-
emploi de la gélinotte : suppression du
bêchage, sauvegarde des lombrics, économie des forces.
-
Économie de l’eau : arrosage ou non ?
méthode de surfaçage, paillage, film noir, etc.
-
Avantage des toilettes sèches – mise en œuvre.
Passage au poulailler- ramassage des œufs. Lutte contre le
pou de la poule.
Soue au cochon : nettoyage de la bauge – douche – bain.
13 h : Dernier déjeuner.
Cidre doux en apéritif. Repas traditionnel du dimanche à la
campagne :
-
Œufs durs mayonnaise ;
-
Poule au pot au riz sauvage.
-
Gâteau de pommes de terre garni de sa compote de
pommes.
Pas de sieste car, avant le départ à 17 h, beaucoup
d’affaires en reste.
14 h.- Conférence sur les dangers de la ferme par le jeune
Pierre L., stagiaire de l’école du génie agricole.
« La ferme est un
lieu dangereux. Le risque n’est pas tant de se faire piétiner par les vaches en
colère, de se faire encorner par César
quand il se prend pour un taureau de combat, de se faire donner un coup de
fourche, de marcher sur un râteau mis du mauvais côté, de se faire écraser par
le tracteur, avaler par la moissonneuse-batteuse, de tomber dans le puits sec
et de se fracasser le crâne au lieu de se noyer, de tomber de l’échelle, d’être
mordu par une vipère, piqué par une guêpe, de tomber dans les orties ou sur une
épine, d’être frappé par la foudre. Non, le risque est plus grand, c’est le
pesticide, l’herbicide, la chimie, organique, minéral, les aérosols en
épandages, en pulvérisations, en nébulisations, tous cancérigènes,
allergisants, létales à dose mortelle, stérilisants. Ils attaquent les
pucerons, les cochenilles, les mauvaises herbes, les champignons, le doryphore,
les abeilles, vos poumons, la rate, le foie, les reins, la substance blanche,
la grise, la moelle, les neurones, les glandes, le pancréas, la vésicule, la
vessie, la moelle.
Pour s’en protéger, il
faut : pas de vent, pas de pluie, pas de soleil, un scaphandre intégral,
une interdiction de fumer, de respirer, de tousser. Une autorisation du préfet,
de la gendarmerie, du maire, contresignée du garde-champêtre assermenté et du maître
de stage qui a certifié que vous avez assisté à la mise à niveau trimestrielle
des procédures actualisées par le ministère de l’agriculture raisonnée suite
aux spécifications édictées par la Commission de Bruxelles chargée de veiller à
l’exécution de la dernière révision de la PAC.
C’est pourquoi tous
ces produits dangereux sont stockés dans une casemate, résidu d’un mur éloigné
de l’Atlantique et enterrée sous une double protection de fils barbelés
électrifiés. L’accès est réservé au personnel habilité Seveso. La visite
vous en a été interdite et je ne vous en parle que pour que vous vous en teniez
éloignés ».
16 h.- Après les explications sur les raisons de la
surmortalité du travail à la ferme, le propriétaire parla des plaisirs de la
terre et des raisons de son engagement à son égard.
S’il n’était pas possédé d’un amour charnel pour Gaïa, il y
a longtemps qu’il aurait abandonné ce métier avec ses dangers, ses fatigues,
ses mauvaises odeurs, l’ingratitude du climat, la mauvaise humeur du directeur
du Crédit agricole et les tracasseriez de la Chambre d’agriculture,
l’incompétence de ses employés, les infidélités de sa femme qui s’ennuie. Il se
serait installé à Paris, dans les beaux quartiers et associé avec son frère
dans la holding familiale. Sa vocation est une passion à laquelle il n’a pas su
résister.
À 16 h 50 au milieu du champ de luzerne nous avons écouté,
recueillis résonner l’Angélus dans le soir et chanter l’alouette et compris
l’emprise de la terre.
À 17 h retour à la ferme.
Cérémonie des adieux au milieu de la cour. La troupe de
stagiaires au grand complet salua le maître des lieux et ses lieutenants et se
dispersa dans un sauve-qui-peut général, se préparant déjà à une initiation à
la vie de courtisan durant un week-end à Versailles.
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