L’œuf est la 9ème merveille du monde. Une coque
fragile, un blanc immaculé, un jaune d’or. Amélie Nothomb la plus raffinée des
écrivaines belges, elle qui préfère le champagne à la bière, a eu raison d’en
faire le personnage central de son livre si savoureux de 2012. Elle en a fait
le panégyrique qu’il méritait, enfin.
Vous comprendrez, après la lire et m’avoir relu, que son
hommage était mérité et que, quand on l’aime, on doit le respecter et ne pas
briser sa coquille. Fabergé avait raison, il mérite du diamant serti dans l’or.
Beau à voir, il est encore meilleur quand on le mange et,
comme ses autres héros, nous en ferons une omelette mais sans le casser puisque
tel est le challenge.
Quand je le veux, je le peux et je démontre :
Pour réussir l’omelette sans casser les œufs, il faut avoir
du temps, de l’argent, un grand terrain avec un beau poulailler. Je préfère la
poule à l’autruche, encombrante et méchante avec le goût du blanc trop fade et
la saveur du jaune musquée, à dégoûter les raffinés.
Voilà comment je procède. Selon l’importance de l’omelette,
2 œufs non cassés par convive suffisent car il n’y a pas que cela à manger. Je
choisis 8 poules. Je les trucide (j’y répugne et laisse le travail à un sicaire
calabro-corse – il faut toujours avoir un sicaire C.C. à portée de révolver)
quand la poule pondeuse n’a pas encore fini son œuf. L’heure du jour doit être
respectée à la minute près car la calcification de l’épiderme uvéale est rapide
(se reporter, pour en savoir plus, à l’encyclopédie Lapoule). L’œuf entier – fragile
– est extrait de l’ovaire de la pauvre poule défunte avec les précautions que
prend le chirurgien à extraire le cristallin.
Les 8 poules ayant livré le fruit de leurs entrailles sont
mises en réserve l’une pour un bouillon, l’autre pour un pot entre amis, les
autres peuvent être congelées pour plus tard.
Une fois réunis dans un cul-de-poule, mes 8 œufs sans
coquilles peuvent être traités avec la recette qu’il vous plaît. Personnellement
c’est l’omelette du père Fouettard que je préfère. La battue doit être
vigoureuse mais sans excès. J’utilise du beurre normand plutôt que le breton.
L’herbe qui nourrit une vache normande est meilleure pour le beurre que le
varech que les marins bretons convertis faute de quotas à la vache laitière ne
peuvent s’empêcher d’ajouter en complément alimentaire. Il donne un gout iodé qu’il faut
aimer pour supporter. Je la trouve très supérieure à celle de la mère Poulard.
Les œufs « acoqués » la rendent plus onctueuse, plus crémeuse, plus
baveuse. Saturnine aurait aimé. C’est avec moi quelle aurait dû cohabiter.
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