Dans une
typologie des amis qui m’a valu beaucoup d’ennemis, j’ai commis une erreur,
heureusement réparable. J’ai oublié les amis rentables. C’était d’autant plus
impardonnable que, dans cette période de famine monétaire, ce sont les seuls
fréquentables parce que les plus profitables.
Non
seulement je suis toujours de mon avis, mais j’étais d’accord avec mon
conseiller en placements financiers quand il m’en fit la remarque.
C’est une variété
à ne pas négliger, même si elle n’est pas répertoriée. Je me pardonnerai de ne
pas y avoir pensé mais aucun des amis qui restaient dans mon portefeuille ne
pouvait être qualifié de bancable. J’avais trois retraités à la retraite plutôt
rouillée, deux au chômage, un en invalidité catégorie 2, deux en inaptitude, un
simple soldat en activité et j’allais oublier un père de famille nombreuse au
foyer qui vivotait chichement des allocs et d’une IPP à 12%.
C’est donc
dans les relations qu’il me fallait puiser. J’avais deux vagues connaissances
qui pouvaient faire l’affaire. Ce ne fut pas difficile de créer des occasions
de les rencontrer, le monde est si petit ! Découvrir des affinités
électives, des goûts identiques, sans parler des points communs, n’est pas compliqué
avec une peu d’imagination, une empathie naturelle et, surtout, le besoin de
faire plaisir.
Ma première
bonne pioche fut une vieille dame bien dotée à qui j’avais ramené son chat
égaré dans mon jardin (j’avais emprunté à une cousine sa chatte en chaleur)
après que nous eussions causé de croquettes, de pâtés, fait un comparatif des
vétos du coin, j’avais pris la coutume de partager son plaisir
hebdomadaire : une partie de petits chevaux suivie d’une partie de dames. Après
l’avoir laissée gagner une fois par semaine pendant six mois, elle a promis,
sans que je ne lui demande rien, de parler de moi à son notaire. L’investissement
sera peut-être payant à court – moyen terme si une canicule nous revient, mais
le dividende sera mérité car, avec son cavum édenté et une halitose carabinée
(son dentier n’en pouvant plus s’était échappé) ; son phrasé est aussi
malsonnant que malodorant.
L’autre
sollicite moins ma charité et si j’entretiens son amitié avec assiduité c’est
en toute sincérité. C’est l’hobereau du village, un homme à l’aise parce que
très avisé. Il aime surtout bien s’amuser. Il ne regarde pas à la dépense, n’a
pas peur de perdre au poker, prête sans reconnaissance de dette. Il ne laisse
pas ses amis dans le pétrin. Il m’en tirerait avant que le boulanger ne fasse
de moi un homme sandwich. C’est un véritable ami sur qui on peut compter.
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