Le Créateur répond à l’article du 15 mars 2013.
Monsieur,
Vous portez, dans un texte dont vous reconnaissez la
paternité, des graves accusations sur la façon dont j’ai réglé le problème
terrestre.
Sachez que la terre n’est pas ma première expérience.
Elle n’est qu’une parmi les milliards de milliards de planètes que j’ai
modelées depuis le début de l’éternité. Quand j’ai commencé à m’ennuyer tout seul,
dans le vide, j’ai fait éclater des fusées et péter des bombes pour voir des lumières
de toutes les couleurs et égayer la monotonie de l’infini. J’ai applaudi au
résultat. Le ciel habité était plus joli à regarder. Avec toutes ces billes qui
n’en finissaient pas de tourner autour des étoiles qui, elles-mêmes, se
mettaient à faire des constellations j’avais beaucoup à regarder. Il y en avait
des grosses, des petites, de toutes les couleurs. Parfois elles explosaient, se
confondaient, se poursuivaient. Un jour, je me suis lassé de les voir tourner à
vide, j’ai commencé à les peupler pour voir ce qui arrivait.
Image du rayonnement primordial de l'Univers prise par le satellite européen
Planck. | ESA
(soit l'Univers il y a 13,8 milliards d'années)
(soit l'Univers il y a 13,8 milliards d'années)
Quand ce fut le tour de la terre, j’étais fatigué
d’avoir tant travaillé. Je venais de me planter avec les martiens. J’avais
abusé de la chlorophylle, surtout dans un endroit qui manquait d’air. Faute de
plantes pour se nourrir, les martiens, végétariens, ne résistèrent pas
longtemps devant la force du vent solaire. Ils disparurent sans laisser de
souvenir.
Pour me racheter – à mes propres yeux, car je n’ai de
comptes à rendre à personne – j’ai fait de la terre un endroit agréable à vivre
et aussi à visiter pour ceux d’ailleurs. J’étais content du résultat. La
planète était bleue et jolie à voir même de loin. Peut-être pas autant que
Saturne avec ses anneaux, mais il fallait aller jusque dans le Capricorne pour
trouver un astre aussi réussi.
Je me suis appliqué à créer l’homme et à le rendre
présentable, capable de se tenir droit sur ses deux pieds. Je ne compte pas
toutes les ébauches. Vous en avez trouvé quelques unes. Elles n’étaient pas
toutes belles à voir, certaines étaient même abominables.
Pour modeler le crâne, le rendre proportionné aux pieds,
calculer la longueur des bras par rapport à celle des jambes, décider du nombre
de doigts, de dents, d’oreilles, de nez, la largeur du bassin, la qualité de la
vision, de l’audition, le nombre de sensations, j’ai pris mon temps. Pour ce
qui est des sentiments, de la moralité, de l’intelligence, j’ai commis l’erreur
de sous-traiter. Le résultat n’a pas été de qualité avec une intelligence
déficiente, des connaissances limitées, un jugement défaillant et une moralité
douteuse. Superstitieux, ambitieux, orgueilleux, il m’a déçu dès le début. J’ai
eu beau lui envoyer des avertissements, des messagers, des sommations, il n’obéit
pas, ne comprend rien.
Vous pinaillez sur les pucerons, les chats, les tigrons
mais c’était pour créer un peu de fantaisie et d’émulation. Non, l’homme, et
même la femme, que j’avais ajoutée croyant lui faire plaisir et pour l’occuper
à autre chose qu’à jouer au foot ou à s’entretuer sont des échecs. À la
dernière, j’avais donné des avantages pour qu’elle ne se sente pas inférieure. Dès
le début elle n’a commis que des bêtises. Jamais contente, jouant la coquette,
elle les a mis dans le pétrin. Pour se parfumer, elle fit une razzia sur les
fleurs, pour parader, elle obligea son bonhomme à faire la peau aux zibelines,
aux visons, aux panthères. Il lui fallait des bijoux en or avec des diamants
autour. Pour en trouver, la terre fut toute
percée. L’argent commença à manquer. Le temps des dettes est arrivé.
Le mal est fait. Moi aussi je le regrette. J’aurais dû
me méfier, lui donner une intelligence supérieure ou en faire un hermaphrodite
bon à tout. En supprimant la guerre des sexes on aurait évité que les mâles se
battent entre eux. Perdant le goût du sang, ils seraient restés meilleurs et
végétariens. Le règne animal n’aurait pas été décimé, pas de poulets en
batterie, les rhinocéros rumineraient en paix, les requins ne perdraient pas leurs
ailerons, les hirondelles dormiraient tranquilles dans leurs nids : la vie
sur terre serait belle.
C’est votre option. Vous avez raison. C’est pour cela
que je ne vous ferai pas un procès. Je ne vous en veux pas. Je vous le
revaudrai quand on se verra.
P.S. Je profite de l’opportunité qui m’a fait rompre la
mutité que m’impose ma fonction pour :
1° dénoncer la soi-disant création de l’homme à mon
image. Ce bruit qui court dans une légende réputée sérieuse (Genèse 1.26-31) est
un faux. Je n’ai jamais dit avoir eu cette intention. C’est contraire au sens
de responsabilité que j’ai envers moi. Je dois rester unique pour conserver son
prestige à la charge. L’inanité de la prétention, relayée par des individus mal
intentionnés, éclate quand on voit ce que l’homme a fait à sa terre. Avec mes
qualités en héritage, on n’aurait pas assisté à un tel naufrage.
2° pour remercier mon fils préféré, un enfant prodigue,
à qui j’avais pardonné d’avoir fugué il y a 2 000 ans. Recueilli dans une
famille d’accueil, il avait tenté de s’intégrer pour prêcher la bonne parole et
essayer de contribuer au bien de la communauté. Incompris, bafoué, trahi, l’aventure
s’est mal terminée et j’ai été obligé de le rapatrier en mauvais état. Resté
doux comme un agneau, il m’a exhorté à refouler ma colère jupitérienne et à ne
pas le venger. Il n’a pourtant pas oublié que rien n’a été fait de ce qu’il
avait demandé.
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