Vous auriez tant à dire mais vous ne le pouvez pas. C’est la
faute à une éducation répressive, à un excès de scrupules, à une timidité
maladive, à un manque de courage, à une trouille congénitale, à un défaut
d’élocution, à une perte des moyens, à une insuffisance de vocabulaire,
d’orthographe et, il faut l’avouer, même si cela vous coûte, de grammaire ou,
le plus souvent, à une banale constipation des sentiments.
Bref, vous restez coi(te) et vous enragez, vous trépignez
intérieurement, faute de pouvoir ou de savoir exprimer tout ce qui vous reste
sur le cœur (ou sur l’estomac).
Ce que vous avez en réserve mériterait pourtant d’être étalé
au grand jour. Vous devriez vous libérer de vos frustrations en réglant vos comptes,
en remettant à leur place ceux qui le méritent, en leur disant leurs 4 vérités.
Ils verraient de quel bois vous vous chauffez. Ça vous fait tellement de bien
de le penser, imaginez celui que vous auriez en le disant à haute et
intelligible voix, en l’écrivant avec la férocité dont vous seriez capable, si
vous ne la maîtrisiez pas trop bien.
C’est là que j’interviens et suis votre serviteur. Pour un
prix modique, fixé avec tact et mesure, adapté au solde de votre compte
bancaire, je me substitue à votre empêchement idiosyncratique ;
j’interviens à votre place, je me confronte avec votre problème. Je suis votre
double parlant et agissant en lieu et place. Vous restez dans l’ombre,
incognito, comptant les coups, assistant à la scène par procuration.
Vous m’aurez auparavant expliqué votre dilemme, votre
problème. Vous travaillez depuis si longtemps sur le dossier d’accusation que
cela vous est facile. Je suis une oreille attentive, compatissante, empathique.
Je sais que vous avez raison, qu’il est temps de vider votre sac pour prendre
un nouveau départ, vous venger et tout et tout.
Une fois au parfum, j’écris le texte, je vous le soumets
pour peaufiner les détails et pouvoir appuyer plus fortement là où ça fait mal.
Je m’adapte à toutes les confrontations. Mon répertoire est suffisamment vaste
pour me le permettre.
J’exécute le plus souvent mon numéro de redresseur de torts
face à :
·
un(e) conjoint(e) abusif(ve), égoïste qui abuse
de votre temps, de votre argent, de votre corps ;
·
un patron qui vous exploite, vous méprise, vous
pelote, vous paie mal ;
·
un(e) ami(e) qui vous énerve, vous ennuie, vous doit
de l’argent ;
·
un fils, une fille qui s’incruste, ne travaille
pas, vous prend pour son valet, sa bonne, vous vole et que vous aimeriez
envoyer au diable ;
·
un voisin bruyant, mal élevé, violent.
Selon le cas, je prends rendez-vous ou je crée un
face-à-face fortuit. Là, les yeux dans les yeux, je lâche le paquet. Je
déballe, j’assène, je menace, je dénonce, j’étrille. Généralement la surprise
est totale. Il (elle) ne se savait pas si transparent(e), si connu(e) d’un
inconnu. Abasourdi(e) il (elle) est trop estomaqué(e) pour réagir. De toute
façon je ne laisse pas le temps d’une réplique, j’occupe le terrain que
j’abandonne quand j’ai fini ma diatribe. Je me retire alors, grand seigneur, après
l’estocade et laisse l’autre K.O. debout. Tout est enregistré et la cassette
est remise avec la facture. L’écouter est pour le(la) client(e) une récompense
dont il (elle) ne se lassera pas de la rediffusion.
Je peux aussi écrire une lettre circonstanciée pour qui veut
régler des comptes à distance. Il s’agit habituellement de manifester une désapprobation
complète, de ridiculiser une prise de position qui contredit la vôtre, de se moquer
cruellement d’une habitude que vous trouvez insupportable, de critiquer
vertement et même éventuellement de proférer des menaces, des insultes (je recommande
dans ce cas la forme anonyme, elle est efficace, plus inquiétante et moins
dangereuse que l’explicite). Je dispose dans l’exercice de cette écriture d’une
belle variété de styles, d’une grande richesse de vocabulaire et d’une
orthographe sans faute de grammaire. Le tarif est bien sûr fonction du nombre
de caractères ou forfaitaire.
La discrétion est assurée totale. Mon service à la personne
remplace avantageusement une psychanalyse. Il a, dans le passé, sauvé bien des
ménages, fait obtenir des augmentations, apaisé des dissonances familiales, permis
d’éloigner de faux amis et même à deux ou trois reprises de récupérer de
l’argent emprunté. Grâce à lui, beaucoup ont retrouvé le sommeil, la
tranquillité et arrêté les antidépresseurs. Il devrait être remboursé par la
Sécurité Sociale.
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