Je connais le patron d’une petite entreprise de maçonnerie.
Il travaille dans le neuf et l’ancien. 5 compagnons. Sa femme tient le
secrétariat. Très occupé, le bonhomme passe son temps à courir d’un chantier à
l’autre pour surveiller, donner un coup de main, les approvisionner en sable,
ciment, briques, parpaings, ferraille. Il discute avec le métreur,
l’architecte, les clients. Il se bat avec les mauvais payeurs, l’URSSAF, la
banque. Le samedi il fait les devis, reçoit les futurs clients car il faut
travailler pour payer les salaires, les impôts, les dettes et manger. Il
aimerait bien souffler, se reposer, s’occuper des enfants et de sa femme qui
attend avec impatience les intempéries de l’hiver et son chômage technique.
Je connais aussi un président. Bien forcé car il est
omniprésent. On ne voit, on n’entend, on ne parle que de lui. Il préside une
grosse affaire, un pays de 65,5 millions d’habitants, grand comme la France. Il
est en place depuis peu. Il a été nommé par un conseil d’administration élargi
pour redresser la situation et éviter la faillite. Il a emporté la place car il
a fait de belles promesses. Il allait faire le travail que les anciens
présidents, des incapables, n’avaient pas fait. Avec lui l’activité allait
reprendre, les exportations repartir, la dette (1 870 milliards d’euros)
fondre. Les chômeurs seraient rembauchés. Les pauvres n’auraient plus froid ni
faim. L’éducation se remettrait à éduquer, les banlieues redeviendraient
fréquentables. Les pompiers n’y seraient pas lynchés, les policiers caillassés.
Il allait s’occuper personnellement de tout et de tous et veiller
à ce que les ordres, les lois, les règlements soient exécutés, les amendes et
les contraventions payées. Il allait mettre de l’ordre dans le désordre, faire
payer les riches, donner de la richesse aux pauvres, du travail aux sans
travaux, de la santé aux malades, le sourire aux dépressifs, le sommeil aux
insomniaques, l’espoir aux anxieux, et toujours un peu farceur, off the record,
il promettait à la journaliste de lui donner le numéro gagnant du Loto.
J’ai calculé qu’en consacrant une seconde par semaine à
chacun des problèmes qu’il allait résoudre, il ne lui restait que trois minutes
par jour pour effectuer les gestes élémentaires de la vie : dormir,
s’habiller, se nettoyer, manger, etc.
C’est peu, même si on est pressé. Comment allait-il survivre
à un tel régime ? À le voir, très bien : rubicond, guilleret, primesautier,
un peu empâté. Comment fait-il, par quel miracle tient-il le coup ? Une
grâce d’État, sans doute.
Mais on vient d’apprendre le meilleur. Il trouvait encore le
temps, les forces, ce président peu ordinaire, une anomalie de la nature
humaine, de courir le guilledou, la bagatelle, de conter fleurette, d’avoir des
5 à 7, des amours clandestins, de rajeunir son harem.
Nous avons la chance, le privilège d’avoir comme président
un clone de Superman, du Tigre de Bengale. Comment s’étonner qu’on paiera très
cher un homme d’une telle valeur ?
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