Occuper sa retraite, quelle galère ! Je n’en peux plus,
me disait l’autre jour l’ancien garde-champêtre, vivement la quille. Les
malheureux, hélas, de plus en plus nombreux, font pour le mieux. Il y a plusieurs
écoles, très concurrentielles, chacune avec des orientations différentes et
leurs inconvénients. Citons :
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celle qui prône le retour à la terre et
préconise de cultiver son jardin. Mais, planter des arbres, des choux, c’est
fatigant pour les lombaires. Il faut ensuite récolter et, dans l’entre-deux,
biner, sarcler, traiter, re-bêcher et arroser. Le galérien en bavait moins.
-
une autre privilégie le ludique, l’hédonisme, le
farniente et apprend à jouer à la belotte, à la manille, aux petits chevaux, au
poker-menteur, à se promener, à bavarder, bref, à passer le temps jusqu’à
l’épuiser. Que de l’ennui !
-
la plus tendance, pour ceux qui ont encore une
bonne vue, une ouïe fine, de l’argent, de la curiosité, de bonnes jambes leur
conseille d’aller au cinéma, au théâtre, aux musées, d’écouter de la musique,
de lire, d’écrire, de voyager. En faisant tout ça et encore plus, ils se
rempliront de sons, d’images, d’idées qui combleront leur vide intérieur. C’est
une bonne solution pour ceux qui supportent les émotions fabriquées, les vies
d’emprunt, les bruits étrangers.
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et puis il y a ceux qui ont enfin le temps de
réfléchir aux questions qu’ils n’avaient pas pris le temps de se poser 50 ans
plus tôt, quand c’était important, nécessaire, mais ils étaient trop occupés à
s’installer, à forniquer, à engendrer, à se pousser. Aujourd’hui c’est
possible. Il n’y a plus à postuler, à intriguer, à jalouser, à lécher, à
trahir, à investir, à s’enrichir, à s’élever. On découvre qu’on va partir, mais
on ne sait pas où. Ça intrigue, inquiète. Est-ce que notre grande intelligence,
notre esprit brillant, notre raison pure s’évaporent avec le reste ou retombent
en poussière dans le terreau du cimetière ?
S’il est masochiste et veut en savoir
toujours plus, il va jusqu’à se demander si sa belle âme a sa place dans le
cerveau ou si elle habite à côté…
Plus le temps passe, plus l’urgence de la
fin se fait pressante. Les réponses aux questions sans réponse révèlent leur
véritable nature et ces philosophes tardifs, furieux de s’être laissés prendre
à un questionnement imbécile, se réveillent, la nature faisant bien les choses,
la sagesse fait son apparition. Ils lisent Lucrèce, Épicure, les stoïciens, les
cyniques et, habituellement, trouvent la sérénité avant l’ictus terminal.
Vous choisirez, dans ce panel d’offres, celle
qui convient à votre riche personnalité et saura vous faire passer vos derniers
moments le plus agréablement possible.
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