La règle de trois est la preuve arithmétique de
l’intelligence supérieure de l’homme et sa qualification pour une vie éternelle
en milieu protégé. Mais beaucoup d’exemples de la vie animale font douter de
son exclusivité dans le domaine des fonctions intellectuelles, artistiques,
sociologiques. Les exemples sont nombreux : l’araneus diadematus tisse une toile orbiculaire à l’architecture
d’une beauté absolue : la technique d’élevage de l’hippocampe moucheté
fait des papas poules des pères dénaturés et ne parlons pas de la division du
travail dans la fourmilière ou la ruche. Le système de navigation des oies
cendrées, des hirondelles de cheminée et des pigeons voyageurs a une précision
et une miniaturisation qui surpassent le plus performant des GPS ou la centrale
de navigation de la plus récente des fusées balistiques. Le savoir-faire des
uns, la complexité de la vie sociale des autres prouvent à l’envie que nous ne
sommes pas les seuls à être une merveille naturelle.
Beaucoup ne reconnaîtront jamais le droit à une égalité de
valeurs et de traitement pour toutes ces bestioles qu’ils éradiquant, écrasent, assassinent,
massacrent avec une insouciance qu’ils doivent à l’impunité. Une exception
accepte une parenté, une fraternité et les respecte. Un animalophile de mes
amis se demande même si l’escargot de Bourgogne – commensal fidèle de son carré de laitues et de batavias
n’a pas, grâce sa lente sagesse, sa
méditation silencieuse et sa patiente obstination, dans un repli d’une
circonvolution, l’équivalent d’une Iliade et de son Odyssée. Seule l’absence de
cordes vocales l’empêcherait de la conter et le manque de doigts de l’écrire. Je
le vois saliver (l’escargot) rien que d’y penser et on ne peut douter de son
envie d’en parler.
Mon ami le protège, l’observe, attendant le signe qui lui
permettra d’engager le dialogue avec son hélix
pomatia domestique. Pour le moment, il ne sort pas de sa coquille dont il a
obturé la porte, en retraite philosophique dont il ne veut pas être dérangé.
Comme dans l’espèce humaine, il y a chez nos voisins
terrestres et souterrains des degrés dans l’intelligence ou la débrouillardise.
Certains profitent des autres ou se tirent mieux d’affaire. Ainsi la fourmi se
fournit en sucre en trayant le puceron. Notre escargot silencieux penseur est
moins exposé que la limace qui se promène toute nue tandis que lui a son home
mobile sur le dos. Il lui permet de se mettre à couvert n’importe où.
Pour plus d’exemples, relisez monsieur Fabre ou regardez des
documentaires animaliers sur Terre Vivante.
La contemplation de la vie humaine et animale amène à une
comparaison peu flatteuse pour celle-là. Une forêt vierge laissée à elle-même reste
vierge tant qu’elle est livrée à elle-même. Seules les intempéries peuvent
venir la violenter un instant. Une population humaine ne peut vivre ensemble
sans entrer dans l’histoire qui sera une succession de guerres, de révoltes, de
révolutions, de fractions, de frictions. Même les familles se déchirent, se
font des procès. La chienlit n’est jamais loin. L’intelligence de l’homme crée immanquablement le chaos, la
pagaille, la discorde, les grèves, les prisons ; celle des animaux,
l’harmonie, la paix, la concorde, la cohabitation sans racisme, sans rancune.
Ils acceptent de vivre en copropriété sans avoir besoin de syndic. Les animaux,
petits ou grands, ne sont pas bêtes.
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