Il fallait s’y attendre. La fonte de la glace des glaciers,
de la banquise, des icebergs et de la neige venant s’ajouter aux chutes de
pluie, a provoqué la submersion de la Grande Bretagne. Les terres
antérieurement émergées sont dorénavant immergées. Les experts consultés ne
prévoient pas une normalisation de la situation avant la prochaine glaciation, soit
à une date que l’on peut, avec une grande approximation, situer dans un futur
indéterminé.
Une fois de plus le flegme britannique étonne le reste du
monde qui, lui, garde les pieds au sec. Ils en ont pris leur parti et, sitôt
les premiers instants de surprise, ont fait face à la situation avec l’humour,
le calme, le sang-froid et la détermination qu’ils avaient déjà montrés lors du
terrible blitz.
Le discours de la Reine a eu l’effet attendu et a donné le
signal qui a fait débuter les travaux.
Trafalgar Square est devenu un port d’attache et les bateaux
ont remplacé les Rolls et les Jaguars. Le Queen Mary II s’y poste et a trouvé
sa bitte d’amarrage digne de sa grandeur : le cou du grand Nelson. Les
rues, avenues, boulevards, transformés en canaux n’ont rien perdu de leur
animation et sont sillonnés de canots, de péniches, de cruisers, de barques à
rames, à godille et même quelques voiliers s’essaient à la régate entre trois
ronds points. L’anglais reste, quoiqu’il advienne, un grand sportif.
Le métro a repris son activité. Les rames ont été remplacées
par les sous-marins de la Navy. Ils ont trouvé là un emploi pacifique, sitôt déchargées de leurs fusées Poséidon.
Toutes les maisons à ossature bois se sont soulevées et,
pour éviter toute divagation, elles ont été ancrées aux 4 coins. Les autres
constructions plus durement construites n’ont pas bougé. Le basement, le
rez-de-chaussée et le premier étage, inondés, ont été désertés et les habitants
se regroupent aux étages supérieurs (à partir du troisième dans les parties
bases de la ville).
Il y a, bien sûr, des contreparties fâcheuses. Les noyades
ont remplacé les accidents de voiture. Les fermes traditionnelles ont disparu
et les fermiers se lancent dans la pisciculture avec succès. Les pêcheurs bretons
redoutent leur concurrence aussi bien sur le marché de la limande que
l’escargot de mer.
L’approvisionnement en lait, un instant compromis, ne pose
plus de problème depuis qu’une race de marsouines a été sélectionnée. Elle
fournit un lait d’une excellente qualité, au goût iodé très apprécié. Le
Milk-man a repris sa tournée en gondole et s’est mis au bel canto dans les quartiers
proches de Covent Garden.
La farine de goémon remplace avantageusement celle du blé
avec le bénéfice supplémentaire d’une production continue, non soumise aux
saisons (le Gulf Stream assure une température constante 365 jours sur 365).
Conséquence inespérée : les centrales atomiques sont
refroidies directement par l’eau de mer. Elles réchauffent l’eau qui les
entoure et, par le fil du courant, l’île baigne dans une eau à 24-25° C donnant
une ambiance caraïbe qui plaît pas seulement à la population immigrée.
Tout n’est cependant pas rose dans le New Great Britain. La
politique est entrée en jeu avec un parti né dans l’eau et qui – tout
simplement – menace de larguer les amarres de leur île flottante. Ils voient
dans le sort qui les atteint un signe divin. Ils doivent quitter la proximité
de cette Europe qui leur a toujours paru étrangère avec leurs langues étranges,
leur nourriture bizarre, leur conduite à droite. Leur but avoué est, en fait,
de mettre cap à l’Ouest, de traverser l’Atlantique, d’accoster à côté de Boston
et remettre pied à terre en Amérique, USA.
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